jeudi 24 janvier 2013

Pour un Directeur des Ressources Numériques


Bon, c'était couru d'avance, mais il faut prendre le temps de savourer cette perle : " Le Directeur du Système Informatique Numérique". 


Je cite :


"Ce qui change en revanche, estime Gartner, c’estl’évolution du métier de DSI vers celui CDO, « chief digital officer », c’est-à-dire de directeur du numérique.
Du DSI au directeur du numérique
Et l’évolution ne serait pas que sémantique, traduisant ainsi le fait que le DSI n’a plus seulement en charge la supervision des systèmes et applications, mais également la mutation vers l’entreprise dite numérique (au travers par exemple de la création de nouveaux marchés et canaux de distribution).
Une transformation qu’illustrait notamment le DSI de Monoprix, François Messager, à l’occasion de la présentation du baromètre CIO 2012 de CSC. Selon lui, la baisse des coûts de fonctionnement n'est pas une fin en soi, mais doit permettre d' « investir sur des éléments qui sont à grande valeur ajoutée comme le commercial, le client, le cross-canal… ».
« On peut avoir des investissements de long terme de façon à construire l’entreprise pour l’avenir. Et l’informatique est aussi là pour cela. La DSI doit offrir de l’innovation process, métier, parler en très grande proximité avec les métiers et ne pas hésiter à offrir de nouvelles solutions » ajoutait-il."

Réaction

Je suis très premier degré et je ne le vois pas comme une perle. Cela rejoint le positionnement actuel du Cigref et son investissement dans un "institut de la transformation "forcément numérique". Les entreprises doivent s'engager dans une transition numérique qui pour moi est un des moyens, et des plus importants d'aller vers l'iconomie. En toute logique les DSI modernes doivent être les moteurs ou au minimum accompagner cette transition numérique.


Après bien sur la communication génère son cortège de raccourcis et  d'inélégance: on doit trouver mieux que SI Numerique je te l'accorde; Je suis trsè demandeur d'une bonne translation de "chief digital officer"



Pour un Directeur des ressources Numériques

Mon objectif était d'attirer l'attention sur le propos de cet article de ZDnet qui me semble pertinent : l'évolution nécessaire des missions et de la position du DSI. Et au passage, je pointais - sur le mode ironique - la nécessité d'une plus grande rigueur. On ne peut pas juxtaposer simplement "système d'information" et "numérique".

Ma formation est l'électronique et ma spécialité était la régulation de système. C'est vrai que cela me demande un effort pour "sortir du paradigme du système". Voici l'état actuel de ma réflexion.

Ce que j'entends personnellement dans le terme "numérique" est une qualité attribuée aux personnes physiques ou morales, aux documents, aux images, aux machines, aux objets, aux matières, etc.., - des substances - permettant de leur attribuer des codes et des informations, codes et informations qui peuvent être transmis dans des réseaux télécoms, stockés dans des bases, affichés sur des écrans, manipulés dans des opérations de tri ou de calcul. Ensuite, c'est considérer que les opérations faites sur ces codes et informations sont légitimes et décident des caractéristiques de ces substances. Par exemple, un client habitant Angoulême souhaite dans un document "Commande" une couleur de carrosserie "bleu prune CO35" pour une voiture ZD3, qui sera livré le 28 février 2013. Précédant le processus, sera produit un schéma de synchronisation des opérations tenant compte de quantité nécessaire de la couleur CO35 et de sa fourniture à la seconde pile à l'automate de peinture.

Dans cet exemple, on voit que l'expérience client "une voiture ZD3 de couleur bleu prune livrée au plus tard le 28 février à Angoulême" possède un équivalent symbolique synthétique construit avec une série de formalismes : le schéma de synchronisation des opérations. Ce schéma de synchronisation - dans un contexte de réseau de partenaires - est une ressource coûteuse. L'atteinte de l'inter-opérabilité sous-jacente des différents systèmes à combiner nécessitait et nécessite encore de plusieurs mois à plusieurs années. Cette inter-opérabilité suppose 1/ que la qualité "numérique" existe pour toutes les substances impliquées 2/ que  toutes les qualités numérique s'articulent les uns aux autres à 100% de cohérence.

Par exemple, EADS a perdu un an de retour sur le programme Airbus 380 parce que les codes des logiciels de câblage allemand et français n'étaient pas cohérents entre eux. Il manquait 50 cm de cable entre les connecteurs des parties de carlingue allemande et française ! Autre exemple, depuis 2 ans, l'URSSAF et le RSI n'arrivent pas à se coordonner sur la distinction entre l'adresse personnelle et l'adresse professionnelle d'un affilié !

Ce qui me semble être le coeur de la révolution technique actuelle est, une fois l'interopérabilité acquise, le faible coût de production et d'application des schémas de synchronisation correspondant aux expériences client. De plus, une fois qu'un schéma de synchronisation est implanté dans des machines, dans des chaînes de machines, dans des portes "chaîne/ réseau télécom", les coopérations humaines sont moins coûteuses à entretenir, car les implantations ont un caractère d'évidence difficile à contester ou à défaire.

Quelles conséquences pour la DSI, la "Direction du Système d'Information" ? Cette formule suggère que dans les différents systèmes de l'entreprise, un des systèmes porte sur l'information. Donc, la compétence du DSI serait d'apporter de la "systématicité" dans l'information, ou sous un autre angle, transformer des données éparses en information significative, grâce à leur traitement dans un système.

En fait, ce sont les métiers qui sont capables de transformer les données en information. C'est pourquoi, le plus souvent, les DSI ont été réduits à l'achat, la maintenance et gestion des systèmes informatiques et télécoms. Comme souvent en France, la réalité est dissimulée par le fantasme, ici le "Système apportée à l'information". Concrètement, l'articulation entre les métiers et la DSI s'est faite par le biais de la distinction Maîtrise d'ouvrage / Maîtrise d'oeuvre dans le cadre de projets. 

La "qualité numérique" (la qualité de la "donnée"* ) pose effectivement la question d'un nouveau rôle : qui est capable de produire le schéma de synchronisation des opérations ? Qui peut conduire le dialogue entre deux ou plusieurs métiers afin de mettre en cohérence leurs données numériques respectives par rapport à ce schéma ? 

Les compétences et les légitimités sont triples :
- une reconnaissance par les différents métiers de l'entreprise
- une maîtrise des inter-opérabilités entre techniques différentes
- une capacité à articuler les qualités numériques des différentes substances en cohérence avec le schéma de synchronisation 

Et tout ceci, non pas pour un projet, mais dans le long terme de l'entreprise ou de l'organisation. Quelles personnes ont un tel profil ?

A titre de suggestion je propose de traduire  "chief digital officer" par "directeur des ressources numériques"  


*Les "données" sont des observations toujours sélectives rappelle Michel Volle. 





mercredi 23 janvier 2013

Data : pourquoi big ?



Les données, puissance du futur

Repris du journal LE MONDE |  • 

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L'Europe reste à la traîne dans l'exploitation des données électroniques. Des géants étrangers dominent ce secteur stratégique et déterminant

Nous vivons une période de rupture, celle de la numérisation de tout : l'homme, la société, les organisations, le savoir, les interactions, le corps biologique de chacun, etc.

Tout devient donnée numérique, et par là même a vocation à une existence dans le monde virtuel en émergence. L'écart entre le monde des données et le monde réel, bien anticipé par Jorge Luis Borges dans sa nouvelle visionnaire De la rigueur de la science, évoluera pour devenir de plus en plus subtil. Il y a un avant et il y a un après-numérisation.

LES BRIQUES DE BASE DE LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION

Il nous est aussi difficile d'imaginer les évolutions de la société de l'information qu'il l'était de prévoir au milieu du XIXe siècle les possibilités permises par l'électricité.

Les données constituent les briques de base de la société de l'information. Leur quantité est en croissance exponentielle. Alors que la loi de Moore, prédisant le doublement de la capacité de calcul des ordinateurs tous les dix-huit mois, touche à sa fin, les données semblent avoir usurpé à leur profit cette prédiction.

Désormais qualifiées de Big Data dans le monde anglo-saxon, elles représentent déjà des masses considérables pour lesquelles on recourt à de nouvelles mesures.

L'infrastructure physique de la société de l'information, les systèmes de télécommunications, les centres de stockage et de traitement des données, les nouveaux services en ligne, constituent des secteurs industriels qui connaissent une croissance inégalée.

Les centres de données consommeront bientôt autant d'électricité qu'un pays comme la France.

Les données en elles-mêmes offrent un potentiel extraordinaire que l'on commence à exploiter. Elles permettent de générer des connaissances, qui étaient soit hors d'atteinte, soit inexistantes, parce que hors du domaine du pensable.

DE NOUVEAUX CHAMPS SCIENTIFIQUES SONT OUVERTS

Une nouvelle médecine se développe, qui, grâce aux données personnelles, sera en mesure de proposer des traitements adaptés à chacun et non plus calibrés pour des populations. De nouveaux champs scientifiques sont ouverts avec des découvertes réalisables sur les masses de données accessibles.

Une nouvelle économie émerge, qui exploite les données pour des services à valeur ajoutée. Par exemple, Google réalise, grâce à ses données, un chiffre d'affaires de plus d'un milliard d'euros en France.

Dans un autre registre, le cabinet de consultants McKinsey estime le potentiel économique annuel du Big Data pour le système de santé américain à 300 milliards de dollars, soit 1 000 dollars par habitant et par an !

La société de l'information est apparue au début des années 1990 avec l'émergence de la Toile. La multiplication rapide des pages Web a très vite nécessité l'invention de nouveaux outils pour accéder aux pages pertinentes : lesmoteurs de recherche.

Deux révolutions majeures accompagnent l'introduction de ces systèmes : le développement d'une industrie du traitement des données à des échelles ambitieuses, et l'établissement du modèle économique qui domine la Toile, un service gratuit en échange de données personnelles.

Les moteurs de recherche exploitent ainsi les requêtes faites par les utilisateurs, dont ils peuvent dériver des profils qui permettent de cibler des publicités, mais également de dégager des connaissances globales, comme l'extension des épidémies de grippe au niveau mondial.

LES DONNÉES PERSONNELLES AU COEUR DE L'ÉCONOMIE DE LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION

Cette révolution prend son essor dans les années 2000 avec le développement des systèmes interactifs et collaboratifs comme les réseaux sociaux, qui permettent aux utilisateurs de contribuer.

Les données personnelles, tant celles produites par les usagers (textes, photos,vidéos, etc.) que celles générées par les systèmes que nous utilisons souvent à notre insu, sont au coeur de l'économie de la société de l'information, et donc de l'économie.

Les données sont devenues une ressource, peu différente des matières premières, comme le charbon ou le minerai de fer, et dont l'importance économique dépassera celle du pétrole. La comparaison avec le pétrole illustre une caractéristique essentielle de l'économie des données personnelles : la concentration.

Le pétrole est, pour des raisons géologiques, concentré dans des puits, d'où il est extrait et acheminé après transformation dans les foyers des particuliers sur toute la surface de la terre.

Les données personnelles du Web 2.0 sont à l'inverse récoltées chez les particuliers sur la surface de la terre, pour être acheminées vers les centres de données de multinationales, qui ont le monopole de leur traitement, comme Google, Facebook ou Amazon, et qui concentrent 80 % de ces données aux Etats-Unis.

La décision rendue le 3 janvier par la Federal Trade Commission aux Etats-Unis de ne pas poursuivre Google pour la manière dont son moteur de recherche favorise ses propres outils de vente en ligne contribuera au renforcement de sa position dominante et montre la tendance lourde à la concentration dans l'industrie de la donnée.

Pour le pétrole, comme pour les autres matières premières, nous nous sommes attachés à développer une chaîne industrielle cohérente allant de la prospection à la production de produits finis, en passant par l'exploitation, le transport, la transformation...

Cela n'a pas été simple. Il a fallu acquérir des connaissances, construire de grandes entreprises, mettre au service de ces enjeux une volonté politique forte. Qu'en est-il pour les données numériques ? Dans ce domaine, l'Europe a fait l'impasse.

GOOGLE SAIT PLUS DE CHOSES QUE L'INSEE SUR LA FRANCE

En ne construisant pas d'industrie du Web 2.0, elle s'est privée de l'accès à la ressource, y compris à celle provenant de son territoire. Pour des raisons historiques et politiques, l'Europe a peur des données. Elle voit dans la société de l'information une menace qu'il convient de circonscrire, et qui semble inhiber toute vraie ambition.

La faiblesse en données et en capacité de traitement de la donnée résulte d'une asymétrie d'information. L'économiste Joseph Stiglitz a montré les conséquences sur les marchés de cette asymétrie. Grâce à l'analyse des requêtes sur son moteur, Google sait, ou est en capacité de savoir, plus de choses que l'Insee sur la France.

La maîtrise de la donnée permet aussi la maîtrise de certains marchés qui transitent déjà dans certains domaines par les outils de commerce électronique américains.

Faute de développer cette industrie, il est probable qu'à brève échéance nous achèterons de nombreux biens et services, produits et consommés en France comme nos billets de train ou notre électricité, à un prestataire étranger qui dégagera une part importante de la valeur ajoutée et aura le contrôle de la chaîne industrielle.

La maîtrise de la société de l'information donne une puissance qu'on soupçonne encore peu et qui dépasse de loin les secteurs de l'économie marchande.

A titre d'exemple, les systèmes de cours en ligne, qui connaissent une croissance rapide aux Etats-Unis, et qui finiront par révolutionner l'enseignement, permettront aussi une maîtrise des ressources humaines au niveau mondial, stratégique au moment où les pays industrialisés feront face à un déficit croissant de personnels scientifiques.

La société de l'information pénètre des domaines moins visibles. Certains services régaliens, comme l'identité des personnes, pourraient même être assurés demain par des multinationales.

Le réseau social Facebook permet une authentification des personnes qui n'a pas d'égale en qualité et pourrait devenir incontournable. Le Royaume-Uni envisage d'ailleurs de l'utiliser pour l'accès aux services publics en ligne. La maîtrise des données est en fin de compte liée à la sécurité et à l'indépendance nationales.

LA CAPTATION DE DONNÉES, PRIORITÉ ABSOLUE DES ETATS-UNIS

L'absence de l'Europe des systèmes du Web 2.0 est-elle une fatalité ? La captation de données est la priorité absolue des Etats-Unis, qui dominent la société de l'information à l'échelle planétaire. Mais d'autres pays ont des vues stratégiques dans ce domaine.

La Chine tout d'abord, qui détient 16 % des 50 premiers sites mondiaux, à côté des 72 % américains. Dans ces deux pays, les données nationales restent sous contrôle de l'industrie nationale. Et tous deux ambitionnent de récolter la donnée à l'international. Quant aux pays plus petits, certains parviennent à équilibrer leur industrie. La Corée du Sud s'appuie sur un petit tiers de sites nationaux, un tiers de sites américains et un tiers de sites chinois.

D'autres pays aussi différents que le Brésil, la Russie ou l'Iran sont en avance sur l'Europe en la matière.

En Europe, il y a un usage monolithique des sites américains. En France, Google détient l'une de ses plus grosses parts de marché mondial (92 %) et il en va de même pour Facebook. Quant aux premiers sites français, aucun n'accumule de la donnée.

Cette situation est plus qu'alarmante. Nous disposons pourtant en France d'un moteur de recherche, Exalead, développé par Dassault Systèmes. Pourquoi ne fait-on pas de son développement une cause nationale ?

Il existe par ailleurs des moteurs qui ne conservent pas de données personnelles, comme Ixquick.

Sans entrer dans la compétition internationale, sans disposer de géants du stockage et du traitement des données et des services, et en particulier d'un moteur de recherche, de réseaux sociaux, de systèmes de blogs et de micro-blogs, de cloud, détenant des parts de marché importantes, non seulement en Europe, mais également dans le reste du monde, il est peu probable que la voix de l'Europe puisse se faire entendre et qu'elle contribue à façonner les grandes orientations de la société de l'information.

Nos pays sont condamnés à un rôle subalterne, à la protection illusoire d'industries, dont les modèles sont en pleine évolution, et que nous sommes incapables de réinventer.

Trois aspects fondamentaux font le succès des systèmes américains : la qualité de service, le génie des applications et la pertinence du modèle économique associé.

Pour réussir, l'Europe doit promouvoir un modèle original compatible avec ses principes, mais qui répond autant à des besoins que les systèmes que les Américains ont développés et qui ont changé le monde.
Stéphane Grumbach, Stéphane Frénot

Stéphane Grumbach, directeur de recherche à l'Institut national de recherche en informatique et automatique (Inria) et ancien conseiller scientifique en Chine. Il travaille sur les nouveaux équilibres induits par la société de l'information

Stéphane Frénot, professeur des universités au laboratoire CITI de l'Institut national des sciences appliquées de Lyon. Ses recherches portent sur les systèmes informatiques communicants au coeur du Web et de ses applications