LE CERCLE. Trois compétences nous semblent devoir être prédominantes demain dans nos métiers : la capacité à intégrer diverses dimensions, la capacité à gérer et générer de la connaissance et l'aptitude collaborative au-delà des réseaux et des travaux en mode-projet. Pour le système d'enseignement et de formation ainsi que pour les entreprises, plusieurs défis sont à relever. Certains s'y emploient déjà.
Poser un regard prospectif sur nos métiers s'impose à nous tous
car le passage de l'ancienne à la nouvelle économie impacte, d'ores et
déjà, nos environnements respectifs, qu'il s'agisse de l'orientation de
nos enfants, de la marche de nos carrières, de la gestion prévisionnelle
des emplois et des compétences (GPEC), de l'évolution du marché du
travail, du contenu des formations professionnelles ou encore du
management des équipes, etc. Nombreux sont ainsi les pans d'activité
concernés par cette réflexion.
Pourtant, ce n'est pas tant un travail de prospective qui se justifie que la nécessité d'observer plus simplement la manière dont notre monde bouge et, surtout, partir des changements d'environnements pour comprendre l'évolution des métiers. Et de fait, force est de constater que "les métiers ne changent pas fondamentalement mais on trouve des titres nouveaux", ce qui s'explique par le fait que nombre d'univers professionnels doivent intégrer de nouvelles contraintes (RSE), se donner de nouveaux objectifs (croissance verte, etc.) ou intégrer de nouvelles technologies.
Pour tous, il s'agit d'accroître sa réactivité et sa performance par rapport à la concurrence, d'où l'importance croissante des métiers liés à l'innovation (design), à la relation-client (e-commerce) ou encore à la chaîne de valeurs (logistique).
Pour tous également, "cela va aller de plus en plus vite" et se complexifier, rappelle Pierre Kosciusko-Morizet, Président et Fondateur de PriceMinister, dans les derniers Cahiers de Friedland sur "Métiers et compétences pour une nouvelle croissance". Aucun domaine professionnel n'échappe aujourd'hui à cette complexité. Et c'est probablement ce qui rend si difficiles les phases comme l'orientation ou la réorientation professionnelle alors même que les étudiants tout comme les salariés disposent de sources d'information, de conseil et de coaching sans précédent.
D'autres facteurs s'ajoutent à ces difficultés :
- le fait que "la relation entreprise/monde de l’éducation reste complexe", estime Brigitte Dumont, DRH adjointe du Groupe France Télécom-Orange dans ces mêmes Cahiers ;
- le fait que l'on raisonne encore trop peu en France en termes de profils interchangeables alors que les aires de mobilité dans l'entreprise sont parfois plus larges, estime Michèle Dain, Directeur du BIOP ;
- et, enfin, l'absence de compétences globales des collaborateurs formés hier à un métier où la compétence technique était l'objectif.
Cela conduit à souligner combien ce sont les compétences inhérentes à un métier qui évoluent et non pas tant les métiers eux-mêmes. Au-delà des spécificités propres, c'est la transversalité des compétences et, par là-même la transférabilité de celles-ci, qui est requise sur de nombreux métiers. Dès lors, quelles sont celles qui seront demain incontournables ? Les compétences transversales attendues demain par les entreprises sont déjà quelque peu identifiées et à l'œuvre dans nos univers respectifs.
La première de ces compétences nous semble être l'interconnexion, la capacité à intégrer diverses dimensions, différents paramètres qui dépassent son domaine initial de formation. Partout, il est question de système, de globalité. "On n'est pas dans des logiques de spécialisation ; (…) l'approche du travail doit être globale", considère Pierre Kosciusko-Morizet pour le e-commerce. "Piloter la connaissance globale et, parfois, très détaillée de son écosystème de survie et d'adaptation et, ensuite, de la diffuser au sein de l'entreprise", observe Christian Martin pour l'open innovation.
L'approche systématique est celle qui permet d'"embrasser l'ensemble des éléments reliés, leurs interdépendances et complémentarités". Pour l'ingénieur, il s'agira d'" acquérir très tôt une culture systémique, une grande capacité à intégrer différents paramètres avec une plus grande intensité (éco-efficience, sciences humaines et sociales, économie, gestion, etc.) et une forte aptitude tant à apprécier la demande qu'à appréhender le multiculturel et l'international", juge Alain Bravo, Directeur général de Supelec. De même, dans les métiers liés aux médias interactifs, " des professionnels de pointe, capables non seulement de concevoir et réaliser des objets multimédias particuliers (…) mais aussi de les interconnecter intelligemment pour offrir une expérience interactive complète aux utilisateurs", observe Etienne-Armand Amato, Professeur à Gobelins, l'École de l'image.
Des considérations sociologiques sont également essentielles pour appréhender les usages d'un métier, d'une profession ou encore pour anticiper l'économie de demain et la manière dont l'entreprise va évoluer par rapport à un certain nombre d'attentes et de valeurs. "Être capable d'intégrer plusieurs dimensions", rappelle Édouard Malbois, Fondateur et Président d'Enivrance. Au demeurant, "il n'est pas donné à tout un chacun de savoir intégrer différentes dimensions", estime Michèle Dain. Édouard Malbois confirme qu'"au final, on observe une certaine rareté de ces profils/compétences".
C'est dire combien le défi en termes d'éducation et de formation est considérable dans un pays où l'on tend peu à peu à abandonner un certain primat du baccalauréat dans l'idée de donner plus de chances aux jeunes à travers la professionnalisation des études. "Apprendre à apprendre grâce à la culture générale" est essentiel "si l'on veut sortir de son domaine", souligne, de fait, Michèle Dain. Certains l'ont déjà largement compris qui intègrent une approche "système" dans les cursus.
La deuxième des compétences résidera dans la capacité à gérer et à générer de la connaissance et à se remettre en cause par un processus continu de veille, d'apprentissage, etc. Il faut "être constamment dans l'apprentissage (…). Avoir la capacité et la curiosité d'apprendre par soi-même", juge-t-elle également. "On est dans des compétences qui relèvent de l'adaptabilité, de l'envie d'apprendre, de l'auto-formation, de la curiosité et de l'autonomie", remarque Pierre Kosciusko-Morizet.
La troisième compétence qui apparaît, en effet, déterminante pour demain est, au-delà du travail en réseau ou en mode-projet qui sont déjà la norme dans certaines entreprises, ce qu'on pourrait appeler l'aptitude collaborative. "C'est dans cette imbrication de technologie et de chaînes de valeurs différentes – télécommunications, santé, informatique et réseaux intelligents d'énergie/smart grid – que se développent maintenant les processus de recherche collaborative", signale Christian Martin de l'Institut Télécom (Silicon Valley).
Dès lors, que peut-on attendre du système de formation mais aussi des entreprises – qui sont, par excellence, des structures apprenantes – pour optimiser l'acquisition de ces compétences ? Un premier défi est notamment de former les étudiants à une pensée conceptuelle active pour apprendre à apprendre car "notre système éducatif repose essentiellement sur un mode transmissif des savoirs et privilégie une pensée essentiellement analytique. Il est grand temps (…) d'opérer un véritable changement de paradigme en pédagogie", insiste Nathalie Berriat, Adjointe au Directeur de l’enseignement à la CCIP. Un second défi est de remotiver l'étudiant "car le sentiment d'accomplissement, d'autonomie, de liberté renforce son estime de lui-même, souvent abîmée par la désinsertion scolaire", perçoit Etienne-Armand Amato. Un troisième défi est d'apprendre à être perméable aux évolutions par la remise en cause. Cela s'applique aussi au management et à la gestion des ressources humaines qui sont, depuis des décennies, des laboratoires d'expérience empirique.
Pourtant, ce n'est pas tant un travail de prospective qui se justifie que la nécessité d'observer plus simplement la manière dont notre monde bouge et, surtout, partir des changements d'environnements pour comprendre l'évolution des métiers. Et de fait, force est de constater que "les métiers ne changent pas fondamentalement mais on trouve des titres nouveaux", ce qui s'explique par le fait que nombre d'univers professionnels doivent intégrer de nouvelles contraintes (RSE), se donner de nouveaux objectifs (croissance verte, etc.) ou intégrer de nouvelles technologies.
Pour tous, il s'agit d'accroître sa réactivité et sa performance par rapport à la concurrence, d'où l'importance croissante des métiers liés à l'innovation (design), à la relation-client (e-commerce) ou encore à la chaîne de valeurs (logistique).
Pour tous également, "cela va aller de plus en plus vite" et se complexifier, rappelle Pierre Kosciusko-Morizet, Président et Fondateur de PriceMinister, dans les derniers Cahiers de Friedland sur "Métiers et compétences pour une nouvelle croissance". Aucun domaine professionnel n'échappe aujourd'hui à cette complexité. Et c'est probablement ce qui rend si difficiles les phases comme l'orientation ou la réorientation professionnelle alors même que les étudiants tout comme les salariés disposent de sources d'information, de conseil et de coaching sans précédent.
D'autres facteurs s'ajoutent à ces difficultés :
- le fait que "la relation entreprise/monde de l’éducation reste complexe", estime Brigitte Dumont, DRH adjointe du Groupe France Télécom-Orange dans ces mêmes Cahiers ;
- le fait que l'on raisonne encore trop peu en France en termes de profils interchangeables alors que les aires de mobilité dans l'entreprise sont parfois plus larges, estime Michèle Dain, Directeur du BIOP ;
- et, enfin, l'absence de compétences globales des collaborateurs formés hier à un métier où la compétence technique était l'objectif.
Cela conduit à souligner combien ce sont les compétences inhérentes à un métier qui évoluent et non pas tant les métiers eux-mêmes. Au-delà des spécificités propres, c'est la transversalité des compétences et, par là-même la transférabilité de celles-ci, qui est requise sur de nombreux métiers. Dès lors, quelles sont celles qui seront demain incontournables ? Les compétences transversales attendues demain par les entreprises sont déjà quelque peu identifiées et à l'œuvre dans nos univers respectifs.
La première de ces compétences nous semble être l'interconnexion, la capacité à intégrer diverses dimensions, différents paramètres qui dépassent son domaine initial de formation. Partout, il est question de système, de globalité. "On n'est pas dans des logiques de spécialisation ; (…) l'approche du travail doit être globale", considère Pierre Kosciusko-Morizet pour le e-commerce. "Piloter la connaissance globale et, parfois, très détaillée de son écosystème de survie et d'adaptation et, ensuite, de la diffuser au sein de l'entreprise", observe Christian Martin pour l'open innovation.
L'approche systématique est celle qui permet d'"embrasser l'ensemble des éléments reliés, leurs interdépendances et complémentarités". Pour l'ingénieur, il s'agira d'" acquérir très tôt une culture systémique, une grande capacité à intégrer différents paramètres avec une plus grande intensité (éco-efficience, sciences humaines et sociales, économie, gestion, etc.) et une forte aptitude tant à apprécier la demande qu'à appréhender le multiculturel et l'international", juge Alain Bravo, Directeur général de Supelec. De même, dans les métiers liés aux médias interactifs, " des professionnels de pointe, capables non seulement de concevoir et réaliser des objets multimédias particuliers (…) mais aussi de les interconnecter intelligemment pour offrir une expérience interactive complète aux utilisateurs", observe Etienne-Armand Amato, Professeur à Gobelins, l'École de l'image.
Des considérations sociologiques sont également essentielles pour appréhender les usages d'un métier, d'une profession ou encore pour anticiper l'économie de demain et la manière dont l'entreprise va évoluer par rapport à un certain nombre d'attentes et de valeurs. "Être capable d'intégrer plusieurs dimensions", rappelle Édouard Malbois, Fondateur et Président d'Enivrance. Au demeurant, "il n'est pas donné à tout un chacun de savoir intégrer différentes dimensions", estime Michèle Dain. Édouard Malbois confirme qu'"au final, on observe une certaine rareté de ces profils/compétences".
C'est dire combien le défi en termes d'éducation et de formation est considérable dans un pays où l'on tend peu à peu à abandonner un certain primat du baccalauréat dans l'idée de donner plus de chances aux jeunes à travers la professionnalisation des études. "Apprendre à apprendre grâce à la culture générale" est essentiel "si l'on veut sortir de son domaine", souligne, de fait, Michèle Dain. Certains l'ont déjà largement compris qui intègrent une approche "système" dans les cursus.
La deuxième des compétences résidera dans la capacité à gérer et à générer de la connaissance et à se remettre en cause par un processus continu de veille, d'apprentissage, etc. Il faut "être constamment dans l'apprentissage (…). Avoir la capacité et la curiosité d'apprendre par soi-même", juge-t-elle également. "On est dans des compétences qui relèvent de l'adaptabilité, de l'envie d'apprendre, de l'auto-formation, de la curiosité et de l'autonomie", remarque Pierre Kosciusko-Morizet.
La troisième compétence qui apparaît, en effet, déterminante pour demain est, au-delà du travail en réseau ou en mode-projet qui sont déjà la norme dans certaines entreprises, ce qu'on pourrait appeler l'aptitude collaborative. "C'est dans cette imbrication de technologie et de chaînes de valeurs différentes – télécommunications, santé, informatique et réseaux intelligents d'énergie/smart grid – que se développent maintenant les processus de recherche collaborative", signale Christian Martin de l'Institut Télécom (Silicon Valley).
Dès lors, que peut-on attendre du système de formation mais aussi des entreprises – qui sont, par excellence, des structures apprenantes – pour optimiser l'acquisition de ces compétences ? Un premier défi est notamment de former les étudiants à une pensée conceptuelle active pour apprendre à apprendre car "notre système éducatif repose essentiellement sur un mode transmissif des savoirs et privilégie une pensée essentiellement analytique. Il est grand temps (…) d'opérer un véritable changement de paradigme en pédagogie", insiste Nathalie Berriat, Adjointe au Directeur de l’enseignement à la CCIP. Un second défi est de remotiver l'étudiant "car le sentiment d'accomplissement, d'autonomie, de liberté renforce son estime de lui-même, souvent abîmée par la désinsertion scolaire", perçoit Etienne-Armand Amato. Un troisième défi est d'apprendre à être perméable aux évolutions par la remise en cause. Cela s'applique aussi au management et à la gestion des ressources humaines qui sont, depuis des décennies, des laboratoires d'expérience empirique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire