http://www.zdnet.fr/blogs/entreprise-2-0/sommet-mondial-du-numerique-a-paris-39770869.htm
Depuis plus de 40 ans, la France dispose avec le CIGREF de l’une des plus grandes associations de responsables informatiques de grandes entreprises au monde.
Vendredi 13 avril, le CIGREF a organisé à Paris le « Sommet Mondial du Numérique », une journée qui fut passionnante du début à la fin, avec une très grande variété d’intervenants et de thèmes traités. La société Jouve assurait, avec le CIGREF, l’organisation de cette journée.
J’ai fait un choix, forcément arbitraire, de quelques-unes des idées qui m’ont le plus intéressé et j’imagine que le CIGREF mettra rapidement sur son site un compte rendu détaillé de cette journée. Que ceux que je ne peux pas citer dans un texte qui essaye de rester de dimension raisonnable m’en excusent.
L’ouverture de la journée avait été confiée à Claudie Haigneré, la première cosmonaute française, aujourd’hui Présidente d’Universcience, la structure qui regroupe le Palais de la Découverte et la cité des Sciences.
Elle a aussi confirmé l’ouverture d’une chaîne de télévision scientifique Universcience.tv.
Elle a surtout beaucoup insisté sur le fait que la maîtrise des outils informatiques par les « digital natives » ne leur garantit pas pour autant une « digital wisdom », que je pourrais traduire par « sagesse numérique ».
L’essentiel de la journée a été occupé par des tables rondes permettant ainsi à un maximum de personnes de s’exprimer pendant la journée.
Table ronde 1 : nouveaux modèles de gouvernance
Gilles Babinet, Président du Conseil National du Numérique a expliqué que le gouvernement britannique continuait à investir le double de la France dans les technologies informatiques, malgré la réduction forte des budgets publics ; j’ai senti qu’il aurait bien aimé que la France augmente son effort dans ce domaine !
J’ai été frappé de voir à quel point Danone prenait au sérieux la dimension numérique de ses activités : Bernard Hours, Vice Président du Conseil d’Administration a parlé des marques comme des « personnes » sur les réseaux sociaux et expliqué que Danone consacre déjà 10 % de ses budgets publicitaires à Internet.
Le représentant de l’Unesco, Jänis Kärlins, est un Lettonien qui s’exprimait parfaitement en Anglais et en Français ; beaucoup d’idées simples et fortes dans son exposé :
- Rajouter des ordinateurs dans les salles de cours, sans modifier les méthodes pédagogiques et la formation des enseignants ne fait ...qu’augmenter le coût de l’éducation.
- Toute ressource pédagogique financée par des fonds publics doit pouvoir être partagée.
- Il faut éviter un « Alzheimer numérique », en numérisant des contenus historiques, le challenge étant de sélectionner ce qui doit être numérisé, tout ne pouvant pas, ne devant pas l’être.
- Comment garantir que ce qui est numérisé aujourd’hui sera encore accessible dans 20 ans.
L’Unesco organise d’ailleurs en juin à Paris un « Open Educational Resources » autour de ces thèmes ; tout le monde peut s’y inscrire, gratuitement.
Table ronde 2 : innovation et croissance
Innocentive est une entreprise qui rapproche l’offre et la demande dans le domaine de la recherche scientifique ; une entreprise propose un budget pour réaliser un travail précis et des chercheurs négocient leurs services. Simon Schneider, le représentant d’Innocentive, a beaucoup insisté sur l’un des principaux challenges dans ce métier, la gestion de la propriété intellectuelle des résultats de ces recherches.
Maxime Lombardini, Directeur Général d’Illiad, plus connu pour sa marque Free, a donné quelques explications intéressantes sur les raisons de leur succès très rapide :
- Développer nos propres outils, nos « box », en interne, pour rester près de nos produits et pouvoir innover en permanence, très vite.
- Nous ne faisons pas d’études de marché, nous écoutons nos 5 millions de clients actuels.
- Rester très focalisé sur une seule ligne de produits, rester simple, sont les clefs pour être plus innovant, plus rentable et offrir un meilleur service à nos clients.
- L’équipe de management est très stable et de petite taille, autour de 200 personnes.
- Le vrai patron de la maison, c’est le ... CTO, le Chief Technical Officer.
Bruno Ménard, DSI de Sanofi et ancien président du CIGREF, a évoqué la possibilité de faire appel au « crowdsourcing » pour aider la recherche pour des maladies qui les concernent, pour lesquelles ils sont très « impliqués ».
C’est un axe de réflexion important, car les personnes sont vraiment prêtes à s’investir beaucoup pour faire avancer la recherche qui ne resterait plus confinée dans les seuls centres de recherche des laboratoires.
Pour innover, il vaut mieux être David que Goliath ! Cette phrase a donné pas mal d’échanges, surtout quand on sait que le CIGREF regroupe les DSI des plus grandes entreprises de France, comme par exemple Jean-Marc Lagoutte de Danone ou Bruno Brocheton de Disneyland Paris.
L’industrie du livre au USA
La matinée c’est terminé par l’exposé de Len Vlahos, Directeur Général de l’association BISG, Book Industry Study Group. Le BISG est le seul organisme américain chargé de mesurer tout ce qui se passe dans l’industrie du livre, aussi bien analogique que numérique.
Len était l’un des seuls à utiliser un vidéoprojecteur, mais c’était parfaitement justifié au vu de l’intérêt des données.
J’en ai extrait juste 2 graphiques et j’envisage d’en faire un billet séparé, car le sujet est passionnant.
La croissance du marché des ebooks est spectaculaire, comme le montre le premier graphique. Ces chiffres correspondent à l’année 2010, car ceux de 2011 ne sont pas encore disponibles. Len a précisé que les résultats préliminaires dont il dispose montrent que cette croissance a continué en 2011.
En commentant ce deuxième graphique, plus récent, car il donne des chiffres pour fin 2011, Len a fait remarquer que l’on semble assister à une stabilisation du marché des ebooks, lié selon lui à une « saisonnalité » des achats de contenus au cours du premier trimestre de l’année, après la vente des lecteurs pendant les fêtes de fin d’année.
Table ronde 3 : Bits et Atomes.
Il était fascinant de constater que les trois intervenants ont tous insisté sur la complémentarité du monde numérique, les bits, et du monde physique, les atomes.
Eileen Gittins, fondatrice et CEO de Blurb, a fait un exposé passionnant sur son métier, autour de ce qu’elle appelle le « livre liquide » !
Blurb permet à tout le monde de créer un livre imprimé, le nombre minimum d’exemplaires étant... un !
Comme elle le disait très bien, c’est en étant « ignorant » d’un sujet que l’on peut rendre possible ce que d’autres pensent impossible.
Avec Blurb, un auteur peut créer lui-même, sur Internet ou sur son poste de travail, un livre illustré, un album de photos de très bonne qualité et le distribuer sous forme papier « atomes » ou « bits », ebook, toute l’adaptation étant faite automatiquement par Blurb. Eileen est persuadée que ceci va permettre de créer des échanges encore plus forts entre les auteurs et les lecteurs.
Steve Rosenblum, le représentant de Pixmania a expliqué comment sa société était née de la nécessité de passer du monde analogique au monde digital pour les photos et l’avait amené naturellement à distribuer des appareils de photos numériques, qui ont été à l’origine de leur nouveau métier.
Il a en même temps reconnu que le marché demandait de plus en plus un mélange entre les atomes et les bits, ce qui amène une fois de plus Pixmania à adapter son mode de fonctionnement.
Comme l’expliquait Arnaud Caplier, Smartbox, qui a commencé par distribuer ses boîtes cadeaux en mode atome, évolue maintenant vers le digital à la demande de ses clients.
Tous les intervenants ont été d’accord pour reconnaître que le « mix atomes-bits » changeait tout le temps et qu’il leur faudrait en permanence s’adapter aux évolutions des attentes des clients.
Table ronde 4 : nouvelles technologies, nouvelles diffusions.
Cette table ronde réunissait des entreprises de grande taille, toutes nées il y a longtemps, dans un monde 100 % analogique. Il était intéressant de voir que ces « Goliath » n’hésitaient pas à se remettre en question et abordaient le monde numérique avec optimisme, mais sans pour autant en occulter les risques.
Ralph Büchi représentait le groupe de presse allemand Axel Springer, surtout connu pour le journal Bild, aux 12 millions de lecteurs de sa version papier.
Le site Web du Bild a maintenant plus de visiteurs, 13 millions, que le journal, et j’ai bien aimé son commentaire sur la « mauvaise habitude » des lecteurs du Web qui considère que les contenus doivent être gratuits !
Heureusement, a-t-il ajouté, je fonde beaucoup d’espoir sur les accès depuis les smartphones ; il est beaucoup plus facile de faire payer les personnes depuis un mobile, car ils paient la communication, les applications et ... les contenus.
Bernard Emsellem, Directeur Général Délégué Ecomobilité de la SNCF, a donné de cette « grande dame » une vision moderne, très tournée vers le futur.
La SNCF c’est positionnée en leader de la démarche Open Data en France, et a lancé un concours d’applications capables d’utiliser ces données mises à la disposition du public.
La partie la plus passionnante de son exposé concernait le long terme, en présentant la SNCF comme un « logisticien » du transport personnel, capable demain de proposer des options incluant le partage de voiture en plus du train.
Est ce que, à long terme, le prochain concurrent de la SNCF n’est pas ... Google ? Le simple fait de poser cette question montre bien que la SNCF aborde son avenir dans le long terme en comprenant bien que le « numérique » va y jouer un rôle de plus en plus fort.
Pascal Buffard, Président d’AXA Group Solutions a montré comment on pouvait transformer les métiers de l’assurance, à priori « not a very sexy business » en prenant une approche plus orientée clients, comme AXA l’a déjà fait par exemple avec la communauté des « bikers ».
AXA va accélérer ses déploiements dans les marchés en forte croissance, quitte à être plus « sélectif » sur les marchés actuels, à faible croissance.
Résumé
C’est Pascal Buffard, en reprenant sa casquette de Président du CIGREF, qui a clôturé cette journée passionnante en disant qu’il y en aurait surement d’autres dans les années qui viennent, ce qui est une excellente nouvelle, compte tenu de la qualité et de la richesse des échanges de cette première édition.
Remarque importante : le contenu de ce billet n’engage que moi, et non les personnes que j’ai citées ; il s’appuie uniquement sur les notes que j’ai prises pendant cette journée avec tous les risques d’interprétation que cela induit.
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