LE CERCLE. Nombre de tâches intermédiaires vont disparaître, nombre d’emplois rémunérés vont disparaître du fait de la dimension collaborative de notre société et de nos entreprises. L’économie de la collaboration va faire peser une pression supplémentaire sur le marché de l’emploi, pression qui sera similaire et supplémentaire à celle qu’exerce déjà la "seconde économie".
La culture collaborative accroît la productivité, et après ?
La collaboration est désormais la nouvelle norme de nos sociétés et de nos entreprises. Le processus est en cours d’affinement, mais il est amené à se poursuivre. De plus en plus de gens en perçoivent les bénéfices évidents : il est tout simplement plus facile de collaborer et de coopérer – souvent de façon virtuelle – que d’être enfermé dans des systèmes et hiérarchies. Collaboration, intelligence collective et les concepts qui y sont liés, aident à gagner du temps, à mieux résoudre les problèmes, à raccourcir l’accès à des experts ou à des solutions.
En bref, cela nous permet d’obtenir de réels gains de productivité au niveau de l’individu, de la société et de l’entreprise. Mais comme chaque fois qu’il y a gain de productivité se pose la question des traductions concrètes qu’il convient d’en faire : faut-il l’utiliser pour la croissance (produire plus avec les mêmes ressources), pour l’innovation (produire des choses nouvelles) ou pour diminuer les effectifs (produire la même chose avec moins de ressources) ?
Les activités reposant sur l’arbitrage des imperfections du marché vont se réduire. En effet, beaucoup de professions qui trouvaient leur justification en palliant les imperfections de l’information disponible sur le marché disparaissent lorsque celle-ci devient facilement accessible et fiable. C’est le cas des agences de voyages, des centrales de réservation, et en partie des agents immobiliers, des vendeurs de biens d’occasion, des sociétés de recrutement et de travail temporaire lorsqu’elles ne sont rien d’autre que des sites d’annonces, etc.
Une partie des postes de cadres moyens vont disparaître. Parmi les activités des cadres moyens, celles qui consistaient à être des courroies de transmission pour aider les individus et les équipes à entrer en relation ou à se connecter à des connaissances ou des outils – dans la hiérarchie, trans-silos ou encore vers l’externe – vont disparaître avec le développement d’une culture collaborative, des annuaires "intelligents", des réseaux sociaux internes et externes. Les cadres moyens devront se concentrer sur le management à réelle valeur ajoutée et sur le coaching.
Des emplois rémunérés seront remplacés par des travaux d’amateur disponibles gratuitement ou par des emplois faiblement rémunérés. Certains emplois dont la rémunération était justifiée par une valeur ajoutée difficile d’accès commencent à être remplacés par des services internet qui apportent "apparemment" une valeur similaire. Ainsi, les sites de partage de photos n’apportent pas toujours une qualité de photographies optimale ; nombre de journalistes "amateurs" fournissent du contenu aux utilisateurs potentiels. Si la qualité est souvent moins "professionnelle", elle est néanmoins suffisante pour un grand nombre de lecteurs et de supports.
La rétribution des journalistes et des photographes professionnels devrait sensiblement baisser, certains emplois disparaître. Les encyclopédies payantes et leur contributeur rémunérés sont déjà des espèces en voie de disparition compte tenu du travail gratuit des milliers de contributeurs de Wikipédia. En d’autres termes, une troisième économie est née, non pas souterraine et invisible, mais partout où des emplois peuvent disparaître en raison de l’explosion des usages liés aux technologies collaboratives.
Le phénomène est parallèle à celui de la "seconde économie"
Une série d’articles et de livres avancent que les progrès technologiques ont détruit plus d’emplois que la délocalisation. Cela pourrait venir de la difficulté qu’ont nos économies à créer des emplois. Un article de McKinsey Quarterly titré « The Second Economy» et un livre de Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee – « Race Against The Machine » – documentent cette thèse.
Brian Arthur, l’auteur de l’article de McKinsey sur la "seconde économie", écrit : "Je soutiens qu’il se passe quelque chose de fondamental avec l’avènement de la technologie de l’information, quelque chose qui va bien au-delà de l’utilisation des ordinateurs, des médias sociaux et du e-commerce. Des relations qui passaient autrefois par des transactions "humaines" sont maintenant traitées électroniquement. Elles se déroulent dans un environnement invisible, strictement digital. En apparence, ce mouvement ne semble pas porter à conséquence – c’est presque quelque chose que nous tenons pour acquis […] il cause une révolution qui n’est ni moins importante, ni moins spectaculaire que l’arrivée des chemins de fer. Ce mouvement n’a aucune limite supérieure, pas de stade final […] il serait facile de sous-estimer à quel degré ceci va modifier les choses"
En bref, l’approche de la seconde économie soutient que les gains de productivité globale des facteurs (productivité du travail plus productivité du capital) et l’intégration de plusieurs technologies numériques ont entrainé la disparition d’emplois au profit d’une économie comme en second plan, souterraine, entièrement automatisée. La troisième économie aura les mêmes effets sauf que la force de déplacement des emplois est les hommes eux-mêmes et non des systèmes automatisés.
Les gains de productivité économique et sociale réalisés ne sont pas un facteur négatif, bien au contraire. La plupart des progrès économiques sont le résultat de gains de productivité puisque celle-ci permet de "libérer" des ressources pour des usages plus productifs. Ce précepte économique fondamental soulève cependant une interrogation importante quant à son hypothèse de base : que se passe-t-il s’il n’y a pas de tâches auxquelles allouer ces ressources disponibles ? Le chômage s’accroît. Selon les travaux mentionnés ci-dessus, nous sommes rentrés dans une ère où les destructions d’emplois pourraient bien être durablement supérieures aux créations.
"La seconde économie", par les technologies digitales, et "la troisième économie", par les technologies sociales de collaboration, peuvent potentiellement augmenter le chômage si la destruction des emplois est supérieure à la capacité de création d’emplois de notre écosystème.
Pourquoi les cadres moyens ont raison d’être stressés par l’avènement d’une culture collaborative ?
L’avènement d’une culture collaborative est une bonne nouvelle pour la productivité, mais elle peut être une mauvaise nouvelle notamment pour les cadres moyens à deux titres : premièrement, leurs effectifs peuvent décroître en proportion des tâches disparues, deuxièmement, ils doivent monter en compétence pour aider les autres à collaborer et à se développer grâce notamment… à la collaboration. Beaucoup de cadres moyens ne sont tout simplement pas prêts.
Pourquoi c’est en fait une opportunité pour tous ?
Mais qui dirait que se trouver au centre d’un nœud d’information ou être un relais de communication est un job de premier plan ? En fait, les cadres moyens seront libérés de leurs tâches les moins intéressantes (même s’il faut admettre qu’elles contribuaient à leur pouvoir en interne). En réalité, la collaboration est : pour la société une bonne occasion d’éliminer les coûts liés aux imperfections du marché et de se focaliser sur l’amélioration de la qualité ; pour les entreprises, un moyen permettant aux employés de se concentrer sur des tâches de haute qualité réellement productives ; et pour les cadres moyens, l’occasion d’apporter une vraie valeur ajoutée au travail de leurs équipes et des individus qui les composent.
Les opportunités sont au moins de deux ordres. Premièrement, les progrès combinés des économies seconde et troisième créeront des possibilités d’innovation et des nouvelles zones de croissance. Deuxièmement, sur un plan philosophique, ces deux nouveaux pans de l’économie pourraient nous aider à comprendre que la technologie est là pour nous aider à ce que plus de personnes travaillent et que chacun travaille moins (quitte à gagner moins), à libérer notre créativité et à profiter de la vie et de nos familles. Évidemment, d’un point de vue politique, la question de la répartition du travail et des revenus se pose, mais c’est un autre débat.
La collaboration est désormais la nouvelle norme de nos sociétés et de nos entreprises. Le processus est en cours d’affinement, mais il est amené à se poursuivre. De plus en plus de gens en perçoivent les bénéfices évidents : il est tout simplement plus facile de collaborer et de coopérer – souvent de façon virtuelle – que d’être enfermé dans des systèmes et hiérarchies. Collaboration, intelligence collective et les concepts qui y sont liés, aident à gagner du temps, à mieux résoudre les problèmes, à raccourcir l’accès à des experts ou à des solutions.
En bref, cela nous permet d’obtenir de réels gains de productivité au niveau de l’individu, de la société et de l’entreprise. Mais comme chaque fois qu’il y a gain de productivité se pose la question des traductions concrètes qu’il convient d’en faire : faut-il l’utiliser pour la croissance (produire plus avec les mêmes ressources), pour l’innovation (produire des choses nouvelles) ou pour diminuer les effectifs (produire la même chose avec moins de ressources) ?
Les activités reposant sur l’arbitrage des imperfections du marché vont se réduire. En effet, beaucoup de professions qui trouvaient leur justification en palliant les imperfections de l’information disponible sur le marché disparaissent lorsque celle-ci devient facilement accessible et fiable. C’est le cas des agences de voyages, des centrales de réservation, et en partie des agents immobiliers, des vendeurs de biens d’occasion, des sociétés de recrutement et de travail temporaire lorsqu’elles ne sont rien d’autre que des sites d’annonces, etc.
Une partie des postes de cadres moyens vont disparaître. Parmi les activités des cadres moyens, celles qui consistaient à être des courroies de transmission pour aider les individus et les équipes à entrer en relation ou à se connecter à des connaissances ou des outils – dans la hiérarchie, trans-silos ou encore vers l’externe – vont disparaître avec le développement d’une culture collaborative, des annuaires "intelligents", des réseaux sociaux internes et externes. Les cadres moyens devront se concentrer sur le management à réelle valeur ajoutée et sur le coaching.
Des emplois rémunérés seront remplacés par des travaux d’amateur disponibles gratuitement ou par des emplois faiblement rémunérés. Certains emplois dont la rémunération était justifiée par une valeur ajoutée difficile d’accès commencent à être remplacés par des services internet qui apportent "apparemment" une valeur similaire. Ainsi, les sites de partage de photos n’apportent pas toujours une qualité de photographies optimale ; nombre de journalistes "amateurs" fournissent du contenu aux utilisateurs potentiels. Si la qualité est souvent moins "professionnelle", elle est néanmoins suffisante pour un grand nombre de lecteurs et de supports.
La rétribution des journalistes et des photographes professionnels devrait sensiblement baisser, certains emplois disparaître. Les encyclopédies payantes et leur contributeur rémunérés sont déjà des espèces en voie de disparition compte tenu du travail gratuit des milliers de contributeurs de Wikipédia. En d’autres termes, une troisième économie est née, non pas souterraine et invisible, mais partout où des emplois peuvent disparaître en raison de l’explosion des usages liés aux technologies collaboratives.
Le phénomène est parallèle à celui de la "seconde économie"
Une série d’articles et de livres avancent que les progrès technologiques ont détruit plus d’emplois que la délocalisation. Cela pourrait venir de la difficulté qu’ont nos économies à créer des emplois. Un article de McKinsey Quarterly titré « The Second Economy» et un livre de Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee – « Race Against The Machine » – documentent cette thèse.
Brian Arthur, l’auteur de l’article de McKinsey sur la "seconde économie", écrit : "Je soutiens qu’il se passe quelque chose de fondamental avec l’avènement de la technologie de l’information, quelque chose qui va bien au-delà de l’utilisation des ordinateurs, des médias sociaux et du e-commerce. Des relations qui passaient autrefois par des transactions "humaines" sont maintenant traitées électroniquement. Elles se déroulent dans un environnement invisible, strictement digital. En apparence, ce mouvement ne semble pas porter à conséquence – c’est presque quelque chose que nous tenons pour acquis […] il cause une révolution qui n’est ni moins importante, ni moins spectaculaire que l’arrivée des chemins de fer. Ce mouvement n’a aucune limite supérieure, pas de stade final […] il serait facile de sous-estimer à quel degré ceci va modifier les choses"
En bref, l’approche de la seconde économie soutient que les gains de productivité globale des facteurs (productivité du travail plus productivité du capital) et l’intégration de plusieurs technologies numériques ont entrainé la disparition d’emplois au profit d’une économie comme en second plan, souterraine, entièrement automatisée. La troisième économie aura les mêmes effets sauf que la force de déplacement des emplois est les hommes eux-mêmes et non des systèmes automatisés.
Les gains de productivité économique et sociale réalisés ne sont pas un facteur négatif, bien au contraire. La plupart des progrès économiques sont le résultat de gains de productivité puisque celle-ci permet de "libérer" des ressources pour des usages plus productifs. Ce précepte économique fondamental soulève cependant une interrogation importante quant à son hypothèse de base : que se passe-t-il s’il n’y a pas de tâches auxquelles allouer ces ressources disponibles ? Le chômage s’accroît. Selon les travaux mentionnés ci-dessus, nous sommes rentrés dans une ère où les destructions d’emplois pourraient bien être durablement supérieures aux créations.
"La seconde économie", par les technologies digitales, et "la troisième économie", par les technologies sociales de collaboration, peuvent potentiellement augmenter le chômage si la destruction des emplois est supérieure à la capacité de création d’emplois de notre écosystème.
Pourquoi les cadres moyens ont raison d’être stressés par l’avènement d’une culture collaborative ?
L’avènement d’une culture collaborative est une bonne nouvelle pour la productivité, mais elle peut être une mauvaise nouvelle notamment pour les cadres moyens à deux titres : premièrement, leurs effectifs peuvent décroître en proportion des tâches disparues, deuxièmement, ils doivent monter en compétence pour aider les autres à collaborer et à se développer grâce notamment… à la collaboration. Beaucoup de cadres moyens ne sont tout simplement pas prêts.
Pourquoi c’est en fait une opportunité pour tous ?
Mais qui dirait que se trouver au centre d’un nœud d’information ou être un relais de communication est un job de premier plan ? En fait, les cadres moyens seront libérés de leurs tâches les moins intéressantes (même s’il faut admettre qu’elles contribuaient à leur pouvoir en interne). En réalité, la collaboration est : pour la société une bonne occasion d’éliminer les coûts liés aux imperfections du marché et de se focaliser sur l’amélioration de la qualité ; pour les entreprises, un moyen permettant aux employés de se concentrer sur des tâches de haute qualité réellement productives ; et pour les cadres moyens, l’occasion d’apporter une vraie valeur ajoutée au travail de leurs équipes et des individus qui les composent.
Les opportunités sont au moins de deux ordres. Premièrement, les progrès combinés des économies seconde et troisième créeront des possibilités d’innovation et des nouvelles zones de croissance. Deuxièmement, sur un plan philosophique, ces deux nouveaux pans de l’économie pourraient nous aider à comprendre que la technologie est là pour nous aider à ce que plus de personnes travaillent et que chacun travaille moins (quitte à gagner moins), à libérer notre créativité et à profiter de la vie et de nos familles. Évidemment, d’un point de vue politique, la question de la répartition du travail et des revenus se pose, mais c’est un autre débat.
Sur le cercle
23/04/2012 |
08:54
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire