vendredi 5 juillet 2013

De l'économie à l'i-conomie



Une révolution devenant mutation

Amorcé au milieu des années 70, l’essor des technologies de l'information – la microélectronique, le logiciel et l'Internet - a pour conséquence une nouvelle révolution industrielle. Chaque personne devient une capacité d’intelligence, de créativité, de communication et de coopération, en mesure d’optimiser une ressource inépuisable : l’information. 

Chaque révolution industrielle transforme la société en profondeur. La révolution actuelle met chacun d’entre nous en capacité d’action : 

• main d’œuvre, nous devenons « cerveau d’œuvre », 

• s’émancipant du collectif, nous nous enrichissons du collaboratif, 

• à coté de la hiérarchie, nous développons des réseaux de talents et de compétences, 

• à la quantité, nous préférons la qualité, 

• au marché de masse, nous exigeons l’écoute et la personnalisation, 

• à coté d’un enseignement dogmatique, nous expérimentons une nouvelle éducation, 

• en sus de la responsabilité sociale de l’entreprise, nous demandons à l’entrepreneur un rôle sociétal 

• à un État collecteur et redistributeur, nous demandons d’être une plate-forme, facilitant les dynamiques civiques et stratégiques 

Les valeurs, les missions, les règles du jeu, les modes de partage sont bouleversées. De nouvelles cohérences sont en train de se construire. Le partage des ressources que sont la compétence, l’intelligence et l’imagination des individus se démultiplie dans diverses formes contractuelles. Sous le choc des technologies de l'information, les institutions doivent redéfinir leur mission, réfléchir à l’information qu’elle collecte, traite et distribue, réorganiser leurs relations avec leurs mandants, leurs partenaires, leurs clients, leurs usagers. Une nouvelle approche de la valeur ajoutée s’initie avec l’articulation des biens et de services par rapport à une réalité des usages. Cette articulation à l’écoute des usagers fait évoluer les montages des partenariats et des sous-traitances. 



La sortie de l'économie comme modèle d'optimisation des ressources

Cependant, à coté de ce versant positif de la révolution en cours, nous constatons un second versant qui est très négatif. Comment représenter ce négatif ? On peut modéliser la mutation par une double influence sur l’action de la communication en réseau et de la structuration de l’information. Cette double influence peut d’un coté initier une dynamique d’action créative combinant coopération dans la communication et richesse cumulative des données. 

A l’inverse, cette double influence peut bloquer l’action créative par l’addition des contraintes sur les circuits de communication et les structures de l’information. Dans ce cas, les ressources sont sous optimisées sinon détruites. 


En voici un exemple récent :
S'appuyant sur le smartphone de l'abonné et une base de données de géolocalisation, la start-up SnapCar permet d'assurer un service rapide de voitures avec chauffeur, voitures qui se trouve dans une proximité de 5 à 10 minutes avec l'abonné. SnapCar propose ainsi un modèle technico-économique complémentaire aux taxis.  
 Les compagnies de Taxis ont  fait du lobbying : pour handicaper la rapidité du service, un amendement législatif vise à imposer un délai règlementaire de 15 minutes pour la fourniture de services de location de voiture avec chauffeur (comme SnapCar). 
 Au plan économique cela revient à détruire la ressource qu'est la disponibilité d'une voiture avec chauffeur. Par exemple, les 18 000 Taxis existants à Paris sont notoirement insuffisants à répondre à la demande. Cf. L'entretien avec YvesWeisselberger (Polytechnique), cofondateur de SnapCar sur BFM business, mercredi 3 juillet


Nous quittons le champ de l’économie comme emploi judicieux des ressources. Le schéma suivant vise à suggérer une vue intuitive de l'alternative "dynamique d'action créative" / "blocage de l'action créative".


Les effets des combinaisons de ces deux ressources ‘communication’ et ‘information’ ont été peu étudiés du point de vue des impacts des technologies télé informatiques.



Un nouveau modèle économique à inventer 

L’économie de l’information – l’iconomie[1] – est un modèle à inventer maintenant, à partir des expériences réussies d’entreprises, d’institutions, de réseaux de personnes, qui montre la voie. Synthèse de l’expérience, l’invention qu’est l’iconomie ne peut pas être déléguée aux économistes. C’est une invention dans l’action mobilisant entrepreneurs et salariés, citoyens et institutions, enseignants et étudiants. 

L’invention est conditionnée par la perception des mutations en cours. A l’ancien qui est en crise, au ‘désarroi’ et à la ‘démoralisation’, il faut privilégier la vue des premières réussites, des projets exemplaires comme des échecs instructifs. L’invention est également stimulée par un futur ouvert comme par des priorités stratégiques. 

Pour avancer, je formule ici la question qui me semble principale.

Considérant que l'économie se construit à partir d'une modélisation des ressources, et en particulier de la combinaison "ressource monétaire-ressource humaine gérée - ressources en process", est-ce que le modèle économique actuel est transformé dans tel ou tel de ses composantes, ou bien est-il radicalement transformé dans l'iconomie ? 

Je penche pour une transformation radicale. Voici quelques éléments pour argumenter la vision que je propose. 


L'action est renouvelée par la prise en compte des usages et des usagers

Quand on regarde l'économie classique "ressources-bénéfice obtenu", la technologie est au service d'une optimisation du process. Tout ce qui est de l'ordre de l'intelligence et de la créativité sans finalité de bénéfice, ou de l'ordre de la prise de pouvoir (ne l'ignorons pas), ne fait pas partie des ressources et donc de l'économie. Ainsi, centré sur le Minitel et sa rente, France Télécom a refusé d'envisager les impacts des protocoles Internet. 

Dans cet économie classique, l'impact de la créativité et de l'intelligence sans finalité intervient sous la forme d'un impôt prélevé par l'Etat sur l'économie. Ainsi, le budget accordé à la recherche non finalisée est dérisoire. 

Ce qui me semble nouveau, c'est l'ouverture du process sur l'usage des produits et de services. Cela va, selon moi, au delà de la qualité. Dans ce temps de l'usage, apparait une intelligence et une créativité de l'usager, qui s'outille de technologies simples. Par exemple, gérer un agenda partagé des ressources, suivre les variations de son corps ou d'un environnement, publier des textes, valoriser telle ou contribution.. L'usager a alors le besoin de se boucler directement sur la pensée non finalisée.

Cette non-finalisation a comme conséquence le déverrouillage de la double influence "contraintes sur la communication + contraintes sur l'information". Paradoxalement, c'est le "sans bénéfice" qui permet de constituer comme ressources l'intelligence et la créativité des usagers.

J'imagine donc une évolution vers l'iconomie selon le modèle du rhizome. Un process classique se démultiplierait en de multiples variations, avec d'un coté des racines se nourrissant des travaux des chercheurs et des inventeurs, et de l'autre des tiges et des feuilles se nourrissant de la multiplicité des usages et de leurs vies durables. 


Imaginer une alternative à la notion de "bénéfice monétaire"

Il faut envisager la mutation de cette ressource monétaire qu'est le bénéfice. Tant que le "bénéfice" est "le modèle de performance", il me semble que la réflexion prospective ne peut pas se développer. 

Sur le marché, un produit ou un service se différencie d'un autre par le gain monétaire = valeur dans l'échange à la vente - valeur dans l'échange à l'achat des ressources. Le différentiel n'est pas directement lié au process de production : il dépend des arbitrages fait d'un coté sur le marché des ventes, et de l'autre coté sur le marché des achats. Par exemple, d'un coté, il y a le marché des smartphones qui se comparent entre smartphones, et de l'autre les marchés des ressources à l'achat. Pour la ressource humaine, le marché à l'achat mettra en comparaison l'Europe, la Chine, la Corée du sud, le Japon.. 

Dans mon raisonnement, la ressource monétaire permet le financement de la construction d'une coordination optimisée des marchés des ressources à l'achat. Or, je fais l'hypothèse que les outils télé informatiques vont non seulement abaisser le coût d'une coordination optimisée des marchés des ressources à l'achat, mais vont la rendre plus performante que la ressource monétaire ! Je propose donc une étude attentive du "portail chinois Alibaba" mettant en relation acheteurs et vendeurs. Cf. fichier joint. 

Pour le dire autrement, la construction de la coordination optimisée des marchés des ressources à l'achat fait intervenir beaucoup d'acteurs. Tout d'abord, considérons que l'activité "transactionnelle" de ces acteurs a un coût élevé. Il ne s'agit pas simplement du coût des vendeurs des "ressources à l'achat" ni des acheteurs, ni des avocats qui valident les contrats. Il s'agit également des gestionnaires institutionnels des marchés à l'achat et de leurs outils (les bourses des matières premières, par ex..). Il s'agit également du coût de la gestion de la ressource monétaire par les banques. 

Par ailleurs, cette activité transactionnelle est très dépendante de comportements et de représentations qui relèvent de la psychologie des foules, où le mimétisme prime sur le raisonnement objectif. Là où la catastrophe survient, c'est lorsque les ordinateurs en réseau sont programmés pour reproduire, hors de tout contrôle responsable, ce mimétisme humain.






[1] Iconomie. n.f. : néologisme proposé par l’Institut Xerfi pour désigner l’économie tirant le meilleur pour la société et les personnes des technologies téléinformatiques.

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