Adieu Facebook, je t’aimais bien
Recadrage | Facebook n’en finit pas de gagner du terrain sur l’intimité de ses abonnés. Au grand dam de notre reporter Nicolas Delesalle, fan au bord de la rupture.
Comment en est-on arrivé là ? Quand tu as
débarqué dans nos vies, fin 2007, on t'a d'abord regardé de biais. Tu
avais 3 ans. Tu sentais le neuf. Tu venais des Etats-Unis. De Harvard. A
quoi pouvais-tu bien servir ? Par curiosité, on a commencé à te
fréquenter. Tu nous as montré des jeux, on y a tué quelques heures,
avant de se détourner. Mais tu devenais populaire, du monde tournait
autour de toi, tu nous permettais de renouer avec des amours perdues,
des amitiés accidentées, des copains de collège. Nos préventions sont
tombées.
Grâce à toi, on organisait des fêtes en trois clics, on pouvait papoter à quatre sur messagerie pour décider d'un ciné, on partageait le dernier lien en vue, et pas seulement du léger, mais des articles politiques, des infos sur les crises. Tu as même participé aux révolutions arabes, en Tunisie ou en Egypte. En échange, tu ne demandais rien, un nom, un prénom. Certes, on pouvait ajouter des photos, apposer des « like » sous des statuts, des films, des disques, des séries, des marques, mais on n'y était pas obligé. C'était facile de ne pas dévoiler sa vie privée. Exposer l'épaule sans montrer le sein.
On a commencé à te trouver utile, on partageait emmerdes, joies, surprises, indignations. On cherchait des contacts. Tu es devenu un outil. Tout le monde est venu. Neuf cents millions de personnes. Toutes les marques. Les choses ont commencé à déraper quand tu t'es mis aux publicités ciblées. Les célibataires en recevaient pour des sites de rencontres, les chauves, pour des bonnets. Tu t'es excusé. Tu as dit que tu avais besoin des revenus de la pub, c'est grâce à elle si tu étais gratuit. On a aussi appris que tu conservais tout ce qu'on te disait depuis ta création, des péta-octets d'infos, même quand on te quittait. Pour ça, tu n'as jamais donné d'explication.
Par lassitude, on a fini par jouer les victimes consentantes. Prends ce qu'on aime, prends nos noms, vends-les si tu veux, on s'en fiche. Grâce à toi, des couples se font et se défont, et la vie suit son cours, et on organise des fêtes si simplement... Et puis, en 2011, tu nous as servi la « timeline », le « journal », ta nouvelle interface : grâce à toi, disais-tu, toute notre vie serait résumée sur une page, une frise intime. C'était un peu ridicule et même Nicolas Sarkozy s'y est mis. La goutte de trop est tombée sur notre profil avec ton application Open Graph. qui permet à tous nos amis de savoir en temps réel quelle musique on écoute sur Spotify, quelle vidéo on regarde sur Dailymotion.
Tu ne vends plus ce qu'on aime, tu vends ce qu'on fait, ce qu'on est, parfois malgré nous. Il faut aujourd'hui un doctorat pour verrouiller tous les judas que tu ouvres sur nos comptes, sans nous prévenir. Bientôt, tu diffuseras peut-être nos SMS en direct avec SFR et l'heure à laquelle on baise avec l'application Dunlopillo. Si tu ne comprends pas qu'on aimerait bien pouvoir regarder des vidéos débiles sans le clamer à la Terre entière ou écouter l'album de Christophe Hondelatte sans avoir à se justifier, ça veut dire que tu ne nous comprends plus. Et quand on ne se comprend plus, généralement, Facebook, on se quitte.
Facebook en quelques datesGrâce à toi, on organisait des fêtes en trois clics, on pouvait papoter à quatre sur messagerie pour décider d'un ciné, on partageait le dernier lien en vue, et pas seulement du léger, mais des articles politiques, des infos sur les crises. Tu as même participé aux révolutions arabes, en Tunisie ou en Egypte. En échange, tu ne demandais rien, un nom, un prénom. Certes, on pouvait ajouter des photos, apposer des « like » sous des statuts, des films, des disques, des séries, des marques, mais on n'y était pas obligé. C'était facile de ne pas dévoiler sa vie privée. Exposer l'épaule sans montrer le sein.
On a commencé à te trouver utile, on partageait emmerdes, joies, surprises, indignations. On cherchait des contacts. Tu es devenu un outil. Tout le monde est venu. Neuf cents millions de personnes. Toutes les marques. Les choses ont commencé à déraper quand tu t'es mis aux publicités ciblées. Les célibataires en recevaient pour des sites de rencontres, les chauves, pour des bonnets. Tu t'es excusé. Tu as dit que tu avais besoin des revenus de la pub, c'est grâce à elle si tu étais gratuit. On a aussi appris que tu conservais tout ce qu'on te disait depuis ta création, des péta-octets d'infos, même quand on te quittait. Pour ça, tu n'as jamais donné d'explication.
Par lassitude, on a fini par jouer les victimes consentantes. Prends ce qu'on aime, prends nos noms, vends-les si tu veux, on s'en fiche. Grâce à toi, des couples se font et se défont, et la vie suit son cours, et on organise des fêtes si simplement... Et puis, en 2011, tu nous as servi la « timeline », le « journal », ta nouvelle interface : grâce à toi, disais-tu, toute notre vie serait résumée sur une page, une frise intime. C'était un peu ridicule et même Nicolas Sarkozy s'y est mis. La goutte de trop est tombée sur notre profil avec ton application Open Graph. qui permet à tous nos amis de savoir en temps réel quelle musique on écoute sur Spotify, quelle vidéo on regarde sur Dailymotion.
Tu ne vends plus ce qu'on aime, tu vends ce qu'on fait, ce qu'on est, parfois malgré nous. Il faut aujourd'hui un doctorat pour verrouiller tous les judas que tu ouvres sur nos comptes, sans nous prévenir. Bientôt, tu diffuseras peut-être nos SMS en direct avec SFR et l'heure à laquelle on baise avec l'application Dunlopillo. Si tu ne comprends pas qu'on aimerait bien pouvoir regarder des vidéos débiles sans le clamer à la Terre entière ou écouter l'album de Christophe Hondelatte sans avoir à se justifier, ça veut dire que tu ne nous comprends plus. Et quand on ne se comprend plus, généralement, Facebook, on se quitte.
4 février 2004 : création de Facebook par Mark Zuckerberg dans sa chambre de Harvard.
26 septembre 2006 : ouverture du site à toute personne âgée de 13 ans et +.
Septembre 2009 : 300 millions d'utilisateurs. L'entreprise devient rentable.
2012 : 900 millions d'utilisateurs. Facebook rachète Instagram pour 1 milliard de dollars.
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