"Il faut enseigner le logiciel libre en France", plaide une tribune
Patrice Bertrand (CNLL), Roberto Di Cosmo (Irill) et Stefane Fermigier (GTLL du pôle Systematic) demandent que l'étude des logiciels libres, «désormais la base de l'informatique moderne», soit intégrée dans la formation des futurs ingénieurs. Pour leur valeur pédagogique et éthique, et pour les débouchés en termes d'emploi et d'économie.
«Il faut enseigner le logiciel libre en France», plaident dans Le Monde daté de vendredi 19 octobre 2012 trois personnalités de ce domaine: Patrice Bertrand, président du Conseil national du logiciel libre (CNLL), président de l'Open World Forum 2012 (OWF) et DG de Smile, Roberto Di Cosmo, professeur d'informatique à l'université Paris-Diderot et directeur de l'Initiative pour la recherche et l'innovation sur le logiciel libre (Irill), et Stéfane Fermigier, président du Groupe thématique logiciel libre du pôle de compétitivité Systematic Paris-Region, fondateur deNuxeo et de Abilian.
Ils rappellent d'abord que «presque tous les aspects de notre vie dépendent directement ou indirectement d'une multitude de logiciels, et une grande partie de ces logiciels sont aujourd'hui des logiciels libres», et citent la récente circulaire du Premier ministre Jean-Marc Ayrault sur l'usage du logiciel libre dans l'administration.
Ces trois représentants du monde du Libre expliquent: «Nous croyons indispensable d'intégrer l'étude des logiciels libres dans la formation des futurs ingénieurs. Pour la grande valeur pédagogique des logiciels dont le code source est disponible, pour les valeurs éthiques de partage qui les mettent en adéquation avec les missions de l'enseignement public, mais, plus encore, parce que les logiciels libres forment désormais la base de l'informatique moderne.»
Un rôle pionnier dans la nouvelle ère
Rappelant le passage des ordinateurs individuels à l'après-PC, ils soulignent que «l'immense majorité des systèmes d'exploitation, langages et outils de programmation utilisés depuis plus de dix ans pour développer les services des géants du Web mondial comme Google, Facebook ou Twitter, mais aussi des start-up, petites ou grandes, sont des logiciels libres. Il en va de même pour une grande partie des briques logicielles embarquées dans les objets qui nous entourent, des téléphones aux tablettes, des "box" des fournisseurs d'accès à Internet au système nerveux de nos automobiles.
Le logiciel libre est au cœur des technologies qui accompagnent cette nouvelle ère, et il a joué un rôle pionnier dans l'émergence des modes de collaboration qui s'imposent aujourd'hui comme des gisements de productivité et d'innovation pour l'ensemble de l'industrie et des services: l'innovation ouverte, qui implique le partage et la collaboration des entreprises avec des partenaires externes; les wikis et les réseaux sociaux d'entreprise, qui décloisonnent l'entreprise traditionnelle; le développement "agile", qui permet d'accélérer la mise sur le marché de produits mieux adaptés aux besoins.»
Les trois auteurs demandent que l'on enseigne les programmes et les technologies du logiciel libre, mais aussi que l'on associe les étudiants à son développement. «Enseigner le logiciel libre nécessite un effort spécifique: il ne suffit pas d'utiliser des logiciels libres à la place de logiciels propriétaires, il faut expliquer les mécanismes employés pour permettre à des centaines de programmeurs éparpillés sur la planète de coopérer de façon cohérente sur des logiciels de plusieurs millions de lignes de code; on doit apprendre les notions juridiques, organisationnelles et économiques qui sont à la base de l'écosystème du logiciel libre. Il convient aussi de mettre en contact les étudiants avec les communautés de développeurs.»
«Un important gisement d'emplois futurs»
La tribune met aussi en avant l'impact économique des logiciels libres. Elle rappelle les études du cabinet cabinet Pierre Audoin Consultants (voir notamment son étude Open Source France 2012) qui évalue l'économie du logiciel libre à un chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros en France, soit 30.000 emplois locaux, avec un taux de croissance de 30% de croissance par an. «Un important gisement d'emplois futurs», encore peu perçu « par le système éducatif actuel, pour qui les développements logiciels sont encore perçus comme une voie inférieure». Et une raison supplémentaire pour nos trois auteurs d'enseigner davantage le logiciel libre aux étudiants qui y trouveront des débouchés importants.
«Et il ne s'agit pas seulement des quelques centaines de sociétés spécialisées dans le logiciel libre en France puisque, selon une étude menée auprès de plus de 500 entreprises dans onze pays, plus de la moitié d'entre elles ont intégré le logiciel libre et open source à leur stratégie en matière de système d'information.»
Image: logos de quelques logiciels libres connus (Wikipédia)
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