mardi 31 juillet 2012

Enseigner l'art de la programmation

Codeurs : la joyeuse revanche des geeks

LE MONDE | 30.07.2012 à 15h11
Article publié dans le supplément Campus du 20 mars 2012.
Par Margherita Nasi



Clément Wehrung est tout juste diplômé de l'Essec. Il gagne très bien sa vie mais ne fait ni de la finance, ni de la stratégie. Sa passion, c'est le code, ces lignes de signes qui permettent de programmer des sites Web et applications informatiques. Dès son enfance, il s'y adonne à fond.

En prépa, il crée une plate-forme de partage de connexions pour faciliter les révisions. Puis, il intègre l'Essec où il développe "sans rien demander à personne"l'application de l'école. Une prestation extrêmement bien rémunérée. On n'en saura pas plus. "Je ne veux pas donner le filon, explique le jeune programmeur. Le prix pour le développement d'une 'appli' de base tourne autour de 5 000 euros. Mais si l'appli est un peu plus compliquée, ça monte nettement plus haut".

Alors que ses amis qui ont fait de la finance peinent aujourd'hui à trouver du travail, Clément reçoit pléthore d'offres. "Rien que cette semaine, j'ai été contacté par une entreprise du CAC 40 qui veut son application." En effet, aujourd'hui, le code est partout.

"Le développeur travaille dans la télévision, les transports, dans le monde de l'art, des médias, énumère avec enthousiasme Aurélien Fache, cofondateur du site d'information Owni.fr. Il ne s'agit pas juste du développement de sites Web ou deservices. Nous créons des dispositifs qui permettent de consommer et d'échanger l'information".

Le spécialiste du multimédia cite l'exemple des internautes qui ont créé des cartes pour guider les sauveteurs lors du tremblement de terre à Haïti. "Les secouristes avaient besoin de connaître l'état des lieux de Port-au- Prince. De savoir si une route était barrée ou pas. On parle de service de cartographie en temps réel, il s'agit en fait de lignes de code."

Plus ces rangées de chiffres qui se cachent derrière chaque site et application prennent de l'importance, plus la programmation devient un métier transversal."C'est le cas des professions qui bénéficient de beaucoup de moyens financiers. Je pense notamment à la biologie avec le développement de la bio-informatique, ou encore à l'animation 3D", explique Jean Véronis, blogueur et professeur d'informatique et de linguistique.

Le code serait-il le nouveau latin du XXIe siècle, un bagage culturel que nous allons tous devoir intégrer ? Au Royaume-Uni, le gouvernement réfléchit déjà à l'introduction de compétences informatiques de base aux programmes scolaires. Aux Etats- Unis, la Maison Blanche a pris des participations dans Codecademy, une école du code qui propose des cours gratuits. La question intéresse aussi les milieux académiques : dans Program or Be Programmed. Ten Commands for a Digital Age (OR Books, 2010), Douglas Rushkoff souligne l'impact des logiciels etmédias digitaux dans nos vies. Avec un constat en forme de provocation : si vous n'êtes pas un programmeur, vous êtes un programmé.

Le mouvement de valorisation de la programmation ne semble pourtant pas avoirfranchi la Manche. Bien au contraire, les clichés entourant la figure du geek ont la vie dure. "Les gens n'ont pas conscience en France du rôle des programmeurs. Certains nous considèrent encore comme des barbus un peu gros qui ne se lavent pas et qui sont là juste pour exécuter", raconte Aurélien Fache.

D'après l'ingénieur en développement, cette perception stéréotypée du hacker se double d'une crainte liée au pouvoir des programmeurs. "Les datadéveloppeurs ont permis de réinventer des modèles, des usages ; ça fait peur à certains : on vient bousculer un ordre qui était bien établi, on oblige à repenser les modèles économiques existants." Aurélien Fache évoque le cas du quotidien britanniqueThe Guardian, dont les équipes éditoriales vont être remaniées de manière à avoirmoins de journalistes et plus de développeurs. On pourrait citer aussi le rôle des programmeurs en politique : les Anonymous ont montré que les codeurs pouvaientconstituer un nouveau contre-pouvoir qu'il faut désormais prendre en compte.

UNE FORMATION MAL CONSIDÉRÉE EN FRANCE

La mauvaise perception des programmeurs en France se fait sentir aussi au niveau de leur formation. Clément Wehrung qui, lui, est autodidacte, se dit frappé par le décalage avec l'apprentissage du code aux Etats-Unis : "Le diplôme de 'computer science' est le diplôme phare de Standford et Berkeley depuis vingt ans. Chez nous, il n'y a aucune école dont le diplôme de programmeur informatique soit réputé. C'est un métier qu'on associe plus aux techniciens qu'aux ingénieurs."

Ainsi, malgré l'omniprésence du code dans la société actuelle, les programmeurs restent une denrée rare. "Il y a de la demande mais pas d'offre. Nous avons besoin de programmeurs de haut niveau et nous ne les trouvons pas, déplore Jean Véronis, qui s'attriste de la délocalisation du codage dans les pays émergents. Aujourd'hui, il en est du code comme des composants électroniques : on ne peut plus les fabriquer en Europe. Le code a été délocalisé, en Indenotamment."

Si le code touche à tout, est-ce à dire que nous devrions tous toucher au code ? De solides connaissances en programmation offrent sans aucun doute une réelle plus-value sur le marché du travail. "L'avenir, c'est d'avoir un profil technico-commercial", explique Clément Wehrung, qui travaille aujourd'hui pour le Livre scolaire, éditeur indépendant qui élabore des manuels scolaires collaboratifs. "

Quand mon chef va voir un gros client, il veut que je l'accompagne parce que j'ai une double vision des choses." Cet autodidacte de la programmation a su mettre à profit son important bagage technique. Le problème, c'est d'acquérir ce bagage.

Jean Véronis se méfie ainsi de "l'intimation" à la programmation comme réponse à l'analphabétisme numérique. Car si la France manque de programmeurs de qualité, c'est aussi parce qu'elle a voulu faire comme si l'informatique était une discipline facilement accessible à tous. "C'est une filière qui a émergé de toutes pièces dans les années 1970. On a vite recruté des tas de gens, on a laissé croire que tout le monde pouvait suivre des cours d'informatique et en même temps on n'a pas mis en place suffisamment de filières sérieuses."

Exemple éloquent de cette méprise sur la discipline informatique au point d'avoir, d'après Jean Véronis, "vacciné la France contre le mythe du code" : le plan "Informatique pour tous", un programme du gouvernement présenté en 1985 par Laurent Fabius, alors premier ministre, pour initier les élèves à l'informatique. "On avait des dotations énormes pour acheter des ordinateurs qui, pour la plupart, sont restés dans les placards des lycées. On ne veut pas tous apprendre à construiredes voitures, pourquoi le ferait-on avec les ordinateurs ? L'apprentissage de l'informatique est quelque chose de très complexe, c'est un vrai challenge technologique."

Aurélien Fache, qui code depuis dix ans, est bien placé pour le savoir : "On ne devient bon programmeur qu'après plusieurs années d'expérience, après avoir lu des lignes et des lignes de code." Pour contrer la vision simpliste qui assimilerait l'informaticien au simple technicien, il aime à citer l'ouvrage de Pierre Lévy, De la programmation considérée comme un des beaux arts (La Découverte, 1992) qui montre que l'élaboration d'un logiciel ne relève pas tant de la technique... que de l'art.

Aurélien Fache voit d'un bon œil les initiatives telles que Codecademy permettant de s'initier de façon ludique aux bases de la programmation, mais est lui aussi sceptique quant à la banalisation du code.
"Avoir des notions de programmation est indispensable pour tout le monde. Enfaire un métier, c'est autre chose." Une autre chose qui distingue un citoyen bien informé d'un adepte du 8e "art".

Margherita Nasi

mercredi 25 juillet 2012

Observatoires des métiers

CFDT Rhone Alpes

http://www.cfdt-rhone-alpes.com/emploiform/documentationempform/securisationparcourspro/interviewpr.html
…...
PR : L’idée est de sécuriser les mobilités et les transitions professionnelles, que ce soit dans l’entreprise ou dans les fonctions publiques, entre deux emplois, deux métiers, entre emploi et chômage, entre système éducatif et emploi, entre emploi et retraite, et de mettre en œuvre des dispositifs collectifs pour les organiser.

Et le contrat de travail là dedans ?

PR : Nous avons aujourd’hui une multitude de contrats avec des droits hétérogènes. Une partie d’entre eux est destinée à répondre aux situations particulières de certains publics (contrats aidés) mais leur utilisation est souvent abusive.
C’est aussi l’utilisation de ces nombreuses formes de contrats qui tient lieu de Gestion Prévisionnelle des Emplois.
Tout cela aboutit dans l’entreprise à des flexibilités imposées unilatéralement et sans maîtrise collective, à un éclatement des statuts qui ne font pas pour autant la démonstration de leur efficacité économique et qui couvrent d’autant moins bien les salariés qu’ils sont dans des situations précaires .


Il faut donc améliorer ce qui existe ?


PR : Nous avons plus d’ambition ! Nous voulons rompre avec un système d’empilement de dispositifs.
Pour nous, l’enjeu n’est pas toujours plus de droits, mais comment les salariés peuvent réellement y accéder selon leurs besoins, dans des conditions nouvelles.
Il nous faut réfléchir à une généralisation de l’accompagnement personnalisé du parcours professionnel.

Les dispositifs existants et les accords sont conçus de façon juxtaposée. Leurs améliorations, notamment vers un décloisonnement restent un enjeu mais ne peuvent tenir lieu à elles seules d’une véritable politique de sécurisation des parcours professionnels. Il faut enrichir le cadre collectif pour rendre possible l’autonomie de l’individu et la construction d’une trajectoire professionnelle, tout en évitant le développement du gré à gré.


Mode textile Cuir



Couture
Cuirs et peaux
HabillementMaroquinerieTextile

Commercialisation Logistique Création
Production Qualité Métiers Supports








ENTRETIEN TEXTILE

Toutes branches

Fonction publique territoriale

observatoire.cnfpt.fr


Les métiers en tension :


Aide soignant - Infirmier - Medecin clinicien Travailleur social


Les métiers à fort renouvellement d’effectifs :


Agent de gestion administrative - Agent de collecte - dechetterie - Agent d'entretien polyvalent - Agent d'exploitation de la voirie publique - Aide à domicile - Animateur loisir - Assistant accueil petite enfance - Enseignant artistique - enseignant en art plastique - Jardinier des espaces horticoles et naturels - Policier municipal


Les métiers à forte évolution de compétence :


Agent de médiation prévention - Chargé d'accueil - Chargé de la commande publique - Chargé de communication - Chargé de gestion du transport - Chargé de l'emploi et des compétences - Chef de projet études et développement - Chef de projet urbanisme et aménagement -Conseiller environnement - Contrôleur de gestion - Directeur financier -Garde gestionnaires des espaces naturels - Responsable de production culinaire - Responsable établissement social et médico-social -Responsable gestion des déchets - Responsable énergie - Surveillant de travaux



observatoire-metiers-banque.fr

Métiers de la Banque
http://www.observatoire-metiers-banque.fr/f/metiers/Cartographie-des-metiers-de-la-banque

CELSA

http://www.celsa.fr/observatoire-metiers-medias-fonctions.php

http://www.celsa.fr/observatoire-metiers-journalisme.php

http://www.celsa.fr/observatoire-metiers-communication.php

http://www.celsa.fr/observatoire-metiers-marketing.php

http://www.celsa.fr/observatoire-metiers-rh.php

http://www.celsa.fr/observatoire-metiers-journalisme.php


Pole Formation CCI
Industries électriques et électroniques

http://www.pole-formation-cci.org/images/stories/observatoire/IEE_Fiches_Metiers.pdf

Chaîne logistique
http://www.pole-formation-cci.org/images/stories/observatoire/LOG_Fiches_Metiers.pdf

Commerce de détail
http://www.pole-formation-cci.org/images/stories/observatoire/CDA_Fiches_Metiers.pdf

Bâtiments et travaux publics
http://www.pole-formation-cci.org/images/stories/observatoire/BTP_Fiches_Metiers.pdf


Katia BECK
k.beck@strasbourg.cci.fr

Pôle Formation CCI - 234 Avenue de Colmar - BP 40267 - 67021 Strasbourg Cedex 1
Tél.: +33 (0) 3 88 43 08 00- Fax : +33 (0) 3 88 43 08 01 - e-mail : contact@pole-formation-cci.org



lundi 23 juillet 2012

Emploi : les informaticiens interpellent le gouvernement


Repris de Olivier Chicheportiche, ZDNet France. Publié le lundi 23 juillet 2012
Le MUNCI, association professionnelle, a adressé une longue lettre à Fleur Pellerin, ministre en charge de l'Economie numérique.

Alors que tous les regards se braquent sur l'emploi dans les télécoms suite à l'arrivée de Free Mobile, les informaticiens entendent ne pas être oubliés. Dans ce secteur, l'emploi est loin d'être un long fleuve tranquille.

Le MUNCI, une association professionnelle réunissant plusieurs milliers de membres salariés, indépendants et demandeurs d’emploi des professions du numérique (informatique, web, télécoms) a ainsi adressé une longue missive à Fleur Pellerin, ministre en charge de l'Economie numérique.

Avant de parler emploi et chômage, l'association s'inquiète de problèmes sociaux "trop souvent ignorés par les pouvoirs publics et partenaires sociaux (en raison notamment du très faible taux de syndicalisation de notre branche…)".

Le MUNCI dénonce ainsi une demande trop cyclique"souvent comparable au travail intérimaire", des conditions de travail souvent difficiles, des rémunérations inférieures à celles des autres cadres et à celles des cadres informaticiens en DSI, une convention collective Syntec-Cicf "peu avantageuse", un turn-over record ou encore un "dumping social assez fréquent par divers moyens (recours abusif à des stagiaires facturés, embauches et détachements d’informaticiens étrangers sous-payés…).

"Fausse sous-traitance"

Conséquence, les salariés dénoncent un mal-être au travail qui se traduit selon l'association par une une forte augmentation du taux d’arrêts (+ 20 %) et des sorties forcées (+ 20,8 %).

L'association demande donc "la mise en place d’une mission d’étude sur le secteur des services informatiques en France qui débouchera sur un rapport public (IGAS, ministériel ou parlementaire). Cette mission aura donc pour but d’évaluer les nombreux dysfonctionnements du secteur et pourra étudier également les aspects suivants valables pour l’ensemble des entreprises du numérique".
Concernant l'emploi en tant que tel, l'association dénonce l'externalisation qui "obéit moins souvent à une recherche d'expertise et de recentrage sur les cœurs de métiers… qu'à une volonté d'ajustement de la main d'œuvre en fonction de la conjoncture, de réduction des coûts et de report de flexibilité chez les sous-traitants".

Et de poursuivre : "il devient donc urgent de s’attaquer en France au développement exponentiel de la fausse sous-traitance dans le secteur des services". le jeunisme qui semble sévir dans les SSII via une loi visant à encadrer les pratiques de sous-traitance et d'externalisation en prenant en considération les spécificités du secteur.

D’après une étude d’Offshore Développement, l’offshore flirte en France avec les 10% du marché global des services IT, et devrait avoisiner les 15% en 2013. Une évaluation qui dépasse largement celle du syndicat des SSII...

Jeunisme

Le jeunisme en prend également pour son grade. "Avec une moyenne d’âge de 33 ans (40 ans pour l’ensemble des actifs) et l’un des taux de plus de 50 ans les plus bas de tous les secteurs d’activité (15%, contre 25% pour l’ensemble des actifs), le numérique est en France  l’un des secteurs où l’âgisme (discrimination à l’embauche sur le critère d’âge) est le plus répandu et où  l’expérience est trop peu valorisée.

On devient "vieux" dès la quarantaine dans l’informatique, voire même avant pour les profils techniques (essentiellement les développeurs) qui représentent la très grande majorité des postes d’informaticiens, ce qui  entraine un nombre élevé de reconversions chez les quadras et quinquas par ailleurs les plus frappés par les licenciements (pour laisser la place aux jeunes recrues…)", explique l'association.

Le MUNCI souhaite également faire bouger les lignes en matière de formation. Si la formation initiale "est suffisante en termes de capacités",  l’offre de formation continue pour les demandeurs d’emploi "souffre de nombreux problèmes".

Rappelons qu'entre 2011 et 2012, les déclarations d’embauches dans les télécoms et l’informatique ont reculé de respectivement 33,7% et 19,2%, selon les chiffres de l'Urssaf et de l’Acoss.
La baisse des embauches s’est en outre accentuée dans les télécoms. C’est moins le cas pour l’informatique, même si les chiffres contredisent la confiance affichée par les entreprises et leurs prévisions de recrutement.

mercredi 11 juillet 2012

La programmation pour les enfants : un avenir difficile ?


Repris de slate fr

La programmation pour les enfants: et pourquoi pas le code en LV3 ?

Alors que l’informatique est omniprésente et que l’initiation –même superficielle– à la programmation semble plus nécessaire que jamais, son enseignement se raréfie et les salles de classe se vident petit à petit.

Zoe, en octobre 2007. REUTERS/Shannon Stapleton
- Zoe, en octobre 2007. REUTERS/Shannon Stapleton -
Des mots, des conjonctions, des signes de ponctuation et des symboles mathématiques s’imbriquant dans un ordre mystérieux: voilà ce que voit un néophyte confronté à des lignes de code. Ce néophyte, c’est moi, c’est peut-être vous, c’est en tout cas la majeure partie de la population qui n’a pas été mise dans la confidence.


Pourtant, les bases de la programmation informatique ont bel et bien été enseignées dans les lycées français. Le Plan Informatique pour Tous, présenté en 1985 par Laurent Fabius, alors Premier ministre, a équipé les écoles en matériel offrant aux élèves –et avant eux à leurs enseignants– un premier contact avec les ordinateurs. Dans les cartons: des grosses machines, des langages de programmation spécialement conçus pour les débutants comme BASIC et Logo, et des logiciels éducatifs.
Aujourd’hui, alors qu’il existe une vaste typologie de langages, que l’informatique est omniprésente et que l’initiation –même superficielle– à la programmation semble plus nécessaire que jamais, son enseignement se raréfie et les salles de classe se vident petit à petit.

Back to Basic

L’informatique personnelle est un pur produit issu des grandes utopies de cette Amérique des années 60-70, celle qui croyait qu’à défaut de pouvoir avoir une quelconque influence sur le monde tel qu’il était – corrompu, figé et perdu – il convenait d’en créer de nouveaux.
L’ordinateur était une réponse, tout comme le furent les drogues, les communautés hippies, les rêves de colonies spatiales et de n’importe quel environnement réel ou virtuel qui offrait un territoire vierge pour tout recommencer.
Machine à penser et outil à tout faire, l’ordinateur est envisagé comme un moyen de connaissance et d’interaction. Il exécute les ordres donnés dans une syntaxe à l’impératif premièrement conçue pour être lue par d’autres individus.
Pourtant son utilisation reste ardue: alors que certains comme Douglas Engelbart souhaite qu’il reste un instrument pour virtuose, d’autres comme Alan Kay ont tout fait pour le rendre accessible au plus grand nombre en créant des langages simples «orientés objet» tels queSmalltalk afin que même les enfants puissent les manipuler. Mais en planchant sur Smalltalk, Kay n’avait pas vraiment prévu que son langage pour les petits engendrerait le C++, un des joujoux fétiches des véritables initiés.

Situation paradoxale

L’emploi des machines et des langages ont un peu vrillé les intentions de ceux qui les ont premièrement imaginés. Grâce à l’apparition des interfaces graphiques, rendant l’interaction avec la machine bien moins fastidieuse, et celle des logiciels facilitant la vie en apportant un panel de solutions pour une tâche précise – comme le traitement de texte ou la mise en page — l’informatique personnelle commence sa véritable conquête des ménages et des bureaux.
Alors que l’emploi de l’ordinateur se répand massivement, la programmation est délaissée par la majorité de ses nouveaux utilisateurs qui n’ont pas le besoin de communiquer avec le cœur de la machine.
Le logiciel, privilégiant le dialogue de surface, réduit paradoxalement le potentiel d’empowerment – comme on dit aux Etats-Unis – des individus qui devaient originellement pouvoir employer l’ensemble de la force de calcul de l’ordinateur pour développer leur créativité et pourvoir à leur propres besoins.
Dans une interview donnée au magazine Known Users en novembre 1987, Bill Atkinson programmeur de talent au service d’Apple constatait déjà que «le rêve de Macintosh n’était pas complet car les individus ne pouvaient avoir accès à la totalité du pouvoir d’un ordinateur personnel. Ils ne pouvaient utiliser que du pouvoir en boîte.»

Quiproquo, clichés and co.

C’est alors que l’on s’est mis à produire des ordinateurs prêts à l’emploi et à enseigner dans des boites: petit à petit, les cours d’informatique ont cessé d’apprendre la programmation pour enseigner la maîtrise de logiciels de base.
Le code a été tout simplement boudé, jugé à la fois peu formateur et trop complexe pour gamins qui seraient certainement et majoritairement embauchés dans le tertiaire ainsi que pour leurs enseignants qui n’y entendait pas un mot ni une ligne. On a formé les futurs travailleurs de la «société informationnelle» avec Office, oubliant qu’elle se structure sur des mécaniques computationnelles.
Lassés d’avoir bouffé des slides de PowerPoint et des tableurs Excel dans leurs jeunes années, les étudiants se sont détournés peu à peu de l’étude de l’informatique confondant, bien malgré eux, l’apprentissage d’applications qu’ils trouvent généralement inintéressantes et celui des sciences computationnelles dont ils ne comprennent même pas l’intitulé.
La programmation, considérée a priori et à tort comme ennuyeuse, ne pouvait alors qu’intéresser les geeks, ces types à qui l’ont n’a pas envie de ressembler car ils portent tous des tee-shirts ringards, avec des MANCHOTS ou des sigles de groupes de métal norvégiens en logo, qu’ils tâchent de pizza lors de sessions nocturnes de code.

Désintérêt et délocalisation

Pour les programmeurs et les enseignants, ces confusions et clichés sont les principaux responsables du désintérêt des étudiants pour ces sciences, induisant une chute remarquable du nombre d’inscrits dans leur matière. Dans une interview, Steve Furber, professeur renommé, donne des chiffres: en huit ans, moitié moins d’étudiants anglais ont opté pour cet enseignement en A-level.
Il déplore cette perte non seulement pour les élèves mais aussi pour le pays:
«On fait beaucoup d’esbroufe sur la délocalisation d’activités telles que la création de logiciel, mais ce qui n’est pas clair dans cette histoire c’est où est la charrue et où sont les bœufs. Est-ce que les entreprises délocalisent par ce que cela leur coûte moins cher et dans ce cas nous perdons des emplois sur le territoire, ou bien le font-elles parce qu’elle ne peuvent tout simplement pas recruter ici si bien qu’elles à se mettent rechercher des gens compétents ailleurs?».
En effet, de nombreuses entreprises délocalisent certaines de leurs activités de programmation vers des pays tel l’Inde, la Russie, la Turquie, qui offrent une formation solide et spécifique à des étudiants qui deviendront des employés aux exigences salariales moins élevées.
Quand bien même les étudiants se sentent concernés par l’étude de la programmation, ils ne trouvent pas forcément les formations qui leur permettront d’avoir les compétences nécessaires pour mener les projets toujours plus complexes des industries digitales.
«Un cours a besoin d’être populaire pour faire économiquement sens. On pourrait croire que les universités détectent les besoins des industries et s’assureraient qu’ils occupent une place centrale dans l’enseignement, mais malheureusement ce n’est pas comme cela que ça se passe», explique Saint John Walker - Manager pour les jeux-vidéo chez  Skillset - qui craint que les universités s’inquiètent plus de remplir leurs amphis que de préparer leurs étudiants à la vie active.

Une machine à penser

Entourés d’objets digitaux, les bambins d’aujourd’hui n’ont que des compétences logicielles et aucune connaissance en programmation. Partant de ce postulat, les membres du LifeLong Kindergarten du MIT ont développé un langage appelé Scratch, dérivant de SmallTalk.
S’inscrivant dans les traces de Kay, Scratch ambitionne de contribuer au développement psychologique des bambins en favorisant la pensée créative, le raisonnement systémique et le partage des productions – histoires, jeux, animations et simulations – en ligne avec d’autres membres de la communauté.


Il y a aujourd’hui toute une batterie de langages créés spécialement pour les enfants. Scratch n’est pas le seul langage à disposition, bien qu’il soit le plus diffusé. Il en existe de tous types et pour plusieurs âges: les 6-10 ans peuvent aussi commencer à bidouiller sur Squeeze, Logo ou Alice, les 10-15 ans sur Phrogram ou GreenFoot puis continuer leur apprentissage à l’adolescence sur les langages «d’adultes» comme Python, C, C++ ou Java.


L’ordinateur est de nouveau perçu comme une machine à penser et à faire penser: la programmation enseignerait ludiquement la rigueur réflexive et syntaxique, car l’ordinateur n’a pas la subtilité de tolérer l’erreur, tout en inculquant de manière presque intuitive les principes fondamentaux des mathématiques grâce à une visualisation immédiate des commandes.
Dans un article datant de 2006 magnifiquement intitulée Why Johnny can’t code?, le scientifique et auteur de SF explique que la méconnaissance du code et son accès difficile même pour les élèves les plus motivés est «un problème pour la nation et pour la civilisation» américaines. Aux Etats-Unis, les anciens manuels scolaires de mathématiques proposaient aux enfants de tester les équations sur BASIC afin de voir sur l’écran se former une pensée abstraite, et c’est cela que Cornad Wolfram tente de remettre au goût du jour avec ses cours.

Programmer ou être programmé

«Aucun de nous ne souhaite forcer ses enfants à embrasser la carrière de programmeur, mais nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il est important de les familiariser avec ce qui est, sans aucun doute, le plus puissant outil dont nous disposons». Ces affirmations sont légions sur les forums de parents. Car mettre en place des petits mondes permettrait aussi de comprendre celui des grands.
Dans son dernier livre intitulé Program Or Be Programmed, l’essayiste Douglas Rushkoff voit dans la programmation une des rares opportunités qu’a eues l’être humain – après l’invention de l’écriture et celle de l’imprimerie – de pouvoir agir sur l’environnement tout en le créant par le texte.
La programmation deviendrait alors nécessaire car elle permet aux individus d’accéder à la connaissance qui permet a fortiori le choix et la liberté. En comprenant comment les systèmes sont conçus on découvre qu’ils ne préexistent pas en eux-mêmes et que l’on peut décider de les accepter ou de s’en détourner. Les interfaces sont des univers conçus par d’autres, toujours à dessein.
Bien qu’il soit aujourd’hui tout aussi facile, si ce n’est plus, de programmer qu’avant, nos bécanes et nos usages encouragent la simple consommation d’applications. Jamais il n’y a eu autant de jeunes manipulant des ordis, des tablettes ou des smartphones, et si peu d’entre eux comprennent quelque chose à leur fonctionnement intrinsèque. La génération des bidouilleurs a laissé place à celle des consommateurs, qui achètent des produits dont on ne voit pas les vis/vices.
Une fois encore le fameux et fumeux concept de Digital Natives prend du plomb dans l’aile et celui de «Digital Illiterates» devient de plus en plus pertinent. Car l’initiation à la programmation, sa compréhension et sa pratique – ne serait-ce que minime – scinde ces «Digital Natives» qui utilisent tous l’informatique quotidiennement en deux groupes distincts: d’un côté ceux qui lisent et écrivent grâce à la machine (chat/word/blog/réseaux sociaux) et ceux qui en plus savent écrire à la machine (programmation).
Stéphanie Vidal