Il fait partie de ces gens inclassables, qui gravitent dans l’univers
de la high tech, aux confluences de l’informatique, la physique et les
neurosciences. Un pionnier de la Silicon Valley mais ses dreadlocks le
rangent plutôt parmi les techno-utopistes de Berkeley, et d’ailleurs
c’est là qu’il réside, dans une maison-atelier assez grande pour
entreposer sa collection d’instruments de musique traditionnelle
(instruments à vent, cithares asiatiques), l’une des plus vastes du
monde. Il est aussi compositeur, mais c’est une autre histoire qu’il n’a
pas l’intention de raconter aujourd’hui.
En 2010, le magazine Time l’a rangé dans les 100 personnalités les plus influentes du monde. Le New Yorker lui a consacré un long portrait : Jaron Lanier « le visionnaire ». Il est régulièrement invité à Davos (« Je me suis trouvé dans l’ascenseur entre Newt Gingrich et Hamid Karzai »). Mi-septembre, il était à New York (où nous l'avons rencontré) pour donner une conférence aux Nations Unies sur l’avenir des économies. Suivie d’une autre sur celui des bibliothèques. Tout le monde veut avoir son avis sur l’avenir. Il est vrai que c’est le titre de son dernier livre : « Who owns the future ?» (Simon&Schuster). Qui possède -aujourd’hui- le monde de demain ?
Il y a une trentaine d’années, Jaron Lanier a été l’un des pionniers de la réalité virtuelle –la création d’univers numériques dans lesquels de vrais humains peuvent se mouvoir et échanger. C’est même lui qui a inventé le terme: « virtual reality ». Il a inventé le jeu video Moondust, développé des prototypes, dont le premier simulateur chirurgical. Il a vendu des start-up à Google, Oracle, Adobe, Pfizer. Fait fortune grâce au Kinect, une caméra en 3D qui a vendu à plus de 18 millions d’exemplaires. Depuis 2006, il est chercheur à Microsoft Research.
Jaron Lanier a participé aux débats à San Francisco qui ont abouti à la création de l'Electronic Frontier Foudation (EFF), l'organisation qui mène la lutte contre les programmes d'espionnage de la NSA. Mais il n'a pas donné suite: ce n'est pas le combat qui lui parait le plus important. Pour lui, l'important n'est pas "qui a accès à l'information" mais "ce que l'on fait avec ces données". Comme il l'explique dans son livre (et dans l'interview ci-dessous), les micro-détails collectées sur chacun grâce à l'Internet sont en train de devenir un puissant moyen de manipulation.
Jaron Lanier, 53 ans, a grandi au Nouveau-Mexique, où ses parents, des artistes new yorkais avaient décidé qu’ils seraient plus en sécurité que sur la côte est (sa mère, rescapée de camp de concentration, avait émigré de Vienne à l’âge de 15 ans. Elle est morte dans un accident de voiture alors qu’il n’avait que dix ans). Il a écrit deux livres. L’un (“You’re not a gadget”) est une critique des réseaux sociaux qu’il qualifie « d’agences d’espionnage privatisées » n’ayant plus aucun intérêt à protéger la vie privée des utilisateurs. Dans “Who owns the future” (non traduit), il décrit un phénomène qu’il n’avait pas anticipé: la concentration des richesses dans un univers qui était censé aplanir les inégalités. L’économie, dit-il, repose de plus en plus sur l’information et celle-ci n’étant pas suffisamment monétisée, la richesse collective se dilue. Bref, le tout-gratuit est en train de détruire la classe moyenne et l’économie de marché.
Interview (en partie publiée dans Le Monde du 22 octobre)
Q: En quoi l’internet détruit-il la classe moyenne ?
JL: L’automatisation commence à détruire l’emploi, comme si la vieille peur du 19ème siècle devenait réalité. A l’époque, il y avait cette inquiétude énorme que l’emploi des gens ordinaires était menacé par le progrès des machines. Quand les voitures ont remplacé les chevaux, les gens pensaient que cela devenait tellement facile de conduire qu’il n’y aurait plus de raison de payer pour le transport. Tous ceux qui travaillaient avec les chevaux allaient perdre leur emploi. Mais les syndicats étaient puissants. Ils ont imposé qu’il est normal de payer quelqu’un même si le travail est moins pénible et qu’il est plus facile de conduire un taxi que de s’occuper de chevaux.
Avec l’Internet, les choses deviennent tellement faciles que les gens rejettent cet arrangement payant. C’est une erreur. Cela a commencé avec Google, qui a dit : on vous donne un moteur de recherche gratuit. En contrepartie, votre musique, vos photos, vos articles vont aussi être gratuits. L’idée est que ça s’équilibre : vous avez moins de revenus mais vous avez accès à des services gratuits. Le problème est que ce n’est pas équilibré. Bientôt, les consommateurs vont accéder aux produits grâce aux imprimantes 3D. Graduellement toutes les choses physiques deviennent contrôlées par les logiciels et tout devient gratuit.
Q : Mais certains s’enrichissent.
JL: L’idée au début de l’Internet était que l’on donnerait du pouvoir à tout le monde parce que tout le monde aurait accès à l’information. En fait, Google et tous ceux qui collectent les informations au sujet des autres parce qu’ils offrent ces services gratuits, deviennent de plus en plus puissants. Plus leurs ordinateurs sont gros, plus ils sont puissants. Même si vous regardez la même information que Google, Google en retire beaucoup plus de pouvoir que vous.
L’autre remarque à faire, c’est que dès que quelqu’un prétend avoir une technologie qui peut remplacer les gens, c’est faux. Exemple : la traduction automatique. Vous pouvez prendre un document en anglais, l’entrer dans un ordinateur et le ressortir en français. Cela ne va pas être du très bon français mais quelque chose va ressortir.
Q : Et c’est gratuit. Quel est le problème ?
JL : Les compagnies qui font de la traduction automatique collectent des millions et des millions d’exemples de documents qui ont été traduits par des vraies personnes. Ils repèrent des morceaux de phrases qui sont semblables à ceux de votre document et ils traduisent un peu à la fois et assemblent le patchwork. Cela ressemble à un cerveau électronique gigantesque mais en fait, il s’agit du travail de tonnes de gens qui ne sont pas payés et ne savent même pas qu’ils sont utilisés.
Pour chaque nouvelle technologie qui prétend remplacer l’humain, il y a en fait des gens derrière le rideau. Ce que je dis, c’est qu’il y a une solution : il faut garder trace des gens qui fournissent un vrai travail et avoir une option qui leur permette d’être indemnisés. L’automatisation dépend systématiquement de ce que nous appelons « big data » ou informations produites par un nombre élevé de gens. Ces données ne viennent pas des anges ou de phénomènes surnaturels. Elles viennent des gens. Si on les payait pour ces données, on pourrait soutenir l’emploi.
Q : Quelles sont ces données qui ont tant de valeur ?
JL : Les compagnies qui possèdent les gros ordinateurs créent des modèles pour chacun d’entre nous. Google a un modèle de vous. Pareil pour la NSA (agence de la sécurité nationale), Facebook, et même certaines organisations criminelles. Elles collectent des données sur vous et les utilisent pour faire des projections. L’idée, c’est de modifier le comportement.
Q : Comment ça, manipuler ?
JL : Les manipulations sont très petites. Cela peut être trouver le moyen de vous faire accepter un prêt qui n’est peut être pas aussi intéressant qu’un autre. Comment vous inciter à faire tel ou tel achat. C’est un système froid, basé seulement sur les statistiques. Il travaille très lentement, comme les intérêts composés. Sur la durée, cela fait beaucoup d’argent. C’est comme cela que Google est devenu si riche : les gens qui paient Google peuvent obtenir un tout petit peu de modification du modèle de comportement. C’est un système géant de modification comportementale.
Il faut comprendre que c’est différent du modèle traditionnel de publicité. La publicité a toujours été une forme de rhétorique, de persuasion, de style. Ici, il n’est pas question de style. C’est placé au bon moment. C’est purement pavlovien. Il n’y a aucune créativité. C’est une forme de manipulation sans esthétique mais c’est très graduel et très fiable, parce que c’est juste des statistiques.
Il s’agit aussi du type d’informations vous recevez. Si vous allez en ligne, vous ne voyez plus les mêmes informations que quelqu’un d’autre. Les informations sont organisées spécifiquement pour vous par ces algorithmes. C’est un monde où tout est ouvert et en même temps la plupart de ce que les gens voient est manipulé. Ce qui n’est possible que parce que les gens qui manipulent ont des ordinateurs plus puissants que les gens ordinaires.
Q: Qui a les plus gros ordinateurs ?
JL: Personne ne le sait. Ils sont conservés dans des cités gigantesques d’ordinateurs. Ils sont généralement placés dans des endroits isolés près de rivières qui permettent de refroidir les systèmes . Peut-être c’est Google, peut-être la NSA. Personne ne sait. En Europe, la plupart sont en Scandinavie.
Le problème n’est pas qui a accès à l’information mais ce qu’ils font de l’information. Si vous avez des ordinateurs beaucoup plus puissants, cela ne peut pas créer une société équitable. Au lieu d’essayer de plaider pour la transparence et le respect de la vie privée, nous devrions nous préoccuper de ce qui est fait avec les données accumulées. Nous vivons à une époque où il y a deux tendances contradictoires. D’un côté, tout le monde dit : n’est-ce pas formidable cette décentralisation du pouvoir, grâce à Twitter etc. De l’autre côté, la richesse est de plus en plus centralisée. Comment est-il possible que le pouvoir soit décentralisé et la richesse de plus en plus centralisée ? En fait le pouvoir qui est décentralisé est un faux. Quand vous tweetez, vous donnez de vraies informations aux gros ordinateurs qui traquent vos mouvements
Q : Comment monnayer nos tweets ?
JL : Je préconise un système universel de micro-paiements. Tout le monde toucherait une rémunération –fût-elle mimine- pour l’information qui n’existerait pas s’ils n’existaient pas.
Cette idée circulait déjà dans les années 1960, avant même que l’internet soit inventé. C’est juste un retour aux origines. Si on arrivait à savoir combien les compagnies sont prêtes à payer pour avoir des informations, cela serait utile.
Les gens pensent que le montant serait infime. Mais si on regarde en détail, c’est faux. Les données concernant l’homme de la rue ont beaucoup de valeur. Le potentiel est là pour soutenir une nouvelle classe moyenne. Chaque donnée individuelle aurait une valeur différente. Certaines seraient plus cotées parce qu’elles sortent de l’ordinaire.
Q : Vous êtes devenu anti-technologies ?
JL: Pas du tout ! J’ai aidé à mettre en place ce truc que je critique maintenant ! Mais il faut regarder les résultats dans le monde réel. J’avais pensé que pendant l’âge de l’Internet on verrait une augmentation fantastique de richesse et d’options. A la place, on voit une concentration intense des richesses. Et c’est un phénomène mondial. Si c’est cela la tendance, si la technologie concentre les richesses, la technologie va devenir l’ennemie de la démocratie, peu importe le nombre de tweets. Je refuse de faire l’autosatisfaction quand je vois tous ces gens ordinaires qui perdent pied alors que leur situation ne devrait faire que s’améliorer grâce aux progrès technologiques.
En 2010, le magazine Time l’a rangé dans les 100 personnalités les plus influentes du monde. Le New Yorker lui a consacré un long portrait : Jaron Lanier « le visionnaire ». Il est régulièrement invité à Davos (« Je me suis trouvé dans l’ascenseur entre Newt Gingrich et Hamid Karzai »). Mi-septembre, il était à New York (où nous l'avons rencontré) pour donner une conférence aux Nations Unies sur l’avenir des économies. Suivie d’une autre sur celui des bibliothèques. Tout le monde veut avoir son avis sur l’avenir. Il est vrai que c’est le titre de son dernier livre : « Who owns the future ?» (Simon&Schuster). Qui possède -aujourd’hui- le monde de demain ?
Il y a une trentaine d’années, Jaron Lanier a été l’un des pionniers de la réalité virtuelle –la création d’univers numériques dans lesquels de vrais humains peuvent se mouvoir et échanger. C’est même lui qui a inventé le terme: « virtual reality ». Il a inventé le jeu video Moondust, développé des prototypes, dont le premier simulateur chirurgical. Il a vendu des start-up à Google, Oracle, Adobe, Pfizer. Fait fortune grâce au Kinect, une caméra en 3D qui a vendu à plus de 18 millions d’exemplaires. Depuis 2006, il est chercheur à Microsoft Research.
Jaron Lanier a participé aux débats à San Francisco qui ont abouti à la création de l'Electronic Frontier Foudation (EFF), l'organisation qui mène la lutte contre les programmes d'espionnage de la NSA. Mais il n'a pas donné suite: ce n'est pas le combat qui lui parait le plus important. Pour lui, l'important n'est pas "qui a accès à l'information" mais "ce que l'on fait avec ces données". Comme il l'explique dans son livre (et dans l'interview ci-dessous), les micro-détails collectées sur chacun grâce à l'Internet sont en train de devenir un puissant moyen de manipulation.
Jaron Lanier, 53 ans, a grandi au Nouveau-Mexique, où ses parents, des artistes new yorkais avaient décidé qu’ils seraient plus en sécurité que sur la côte est (sa mère, rescapée de camp de concentration, avait émigré de Vienne à l’âge de 15 ans. Elle est morte dans un accident de voiture alors qu’il n’avait que dix ans). Il a écrit deux livres. L’un (“You’re not a gadget”) est une critique des réseaux sociaux qu’il qualifie « d’agences d’espionnage privatisées » n’ayant plus aucun intérêt à protéger la vie privée des utilisateurs. Dans “Who owns the future” (non traduit), il décrit un phénomène qu’il n’avait pas anticipé: la concentration des richesses dans un univers qui était censé aplanir les inégalités. L’économie, dit-il, repose de plus en plus sur l’information et celle-ci n’étant pas suffisamment monétisée, la richesse collective se dilue. Bref, le tout-gratuit est en train de détruire la classe moyenne et l’économie de marché.
Interview (en partie publiée dans Le Monde du 22 octobre)
Q: En quoi l’internet détruit-il la classe moyenne ?
JL: L’automatisation commence à détruire l’emploi, comme si la vieille peur du 19ème siècle devenait réalité. A l’époque, il y avait cette inquiétude énorme que l’emploi des gens ordinaires était menacé par le progrès des machines. Quand les voitures ont remplacé les chevaux, les gens pensaient que cela devenait tellement facile de conduire qu’il n’y aurait plus de raison de payer pour le transport. Tous ceux qui travaillaient avec les chevaux allaient perdre leur emploi. Mais les syndicats étaient puissants. Ils ont imposé qu’il est normal de payer quelqu’un même si le travail est moins pénible et qu’il est plus facile de conduire un taxi que de s’occuper de chevaux.
Avec l’Internet, les choses deviennent tellement faciles que les gens rejettent cet arrangement payant. C’est une erreur. Cela a commencé avec Google, qui a dit : on vous donne un moteur de recherche gratuit. En contrepartie, votre musique, vos photos, vos articles vont aussi être gratuits. L’idée est que ça s’équilibre : vous avez moins de revenus mais vous avez accès à des services gratuits. Le problème est que ce n’est pas équilibré. Bientôt, les consommateurs vont accéder aux produits grâce aux imprimantes 3D. Graduellement toutes les choses physiques deviennent contrôlées par les logiciels et tout devient gratuit.
Q : Mais certains s’enrichissent.
JL: L’idée au début de l’Internet était que l’on donnerait du pouvoir à tout le monde parce que tout le monde aurait accès à l’information. En fait, Google et tous ceux qui collectent les informations au sujet des autres parce qu’ils offrent ces services gratuits, deviennent de plus en plus puissants. Plus leurs ordinateurs sont gros, plus ils sont puissants. Même si vous regardez la même information que Google, Google en retire beaucoup plus de pouvoir que vous.
L’autre remarque à faire, c’est que dès que quelqu’un prétend avoir une technologie qui peut remplacer les gens, c’est faux. Exemple : la traduction automatique. Vous pouvez prendre un document en anglais, l’entrer dans un ordinateur et le ressortir en français. Cela ne va pas être du très bon français mais quelque chose va ressortir.
Q : Et c’est gratuit. Quel est le problème ?
JL : Les compagnies qui font de la traduction automatique collectent des millions et des millions d’exemples de documents qui ont été traduits par des vraies personnes. Ils repèrent des morceaux de phrases qui sont semblables à ceux de votre document et ils traduisent un peu à la fois et assemblent le patchwork. Cela ressemble à un cerveau électronique gigantesque mais en fait, il s’agit du travail de tonnes de gens qui ne sont pas payés et ne savent même pas qu’ils sont utilisés.
Pour chaque nouvelle technologie qui prétend remplacer l’humain, il y a en fait des gens derrière le rideau. Ce que je dis, c’est qu’il y a une solution : il faut garder trace des gens qui fournissent un vrai travail et avoir une option qui leur permette d’être indemnisés. L’automatisation dépend systématiquement de ce que nous appelons « big data » ou informations produites par un nombre élevé de gens. Ces données ne viennent pas des anges ou de phénomènes surnaturels. Elles viennent des gens. Si on les payait pour ces données, on pourrait soutenir l’emploi.
Q : Quelles sont ces données qui ont tant de valeur ?
JL : Les compagnies qui possèdent les gros ordinateurs créent des modèles pour chacun d’entre nous. Google a un modèle de vous. Pareil pour la NSA (agence de la sécurité nationale), Facebook, et même certaines organisations criminelles. Elles collectent des données sur vous et les utilisent pour faire des projections. L’idée, c’est de modifier le comportement.
Q : Comment ça, manipuler ?
JL : Les manipulations sont très petites. Cela peut être trouver le moyen de vous faire accepter un prêt qui n’est peut être pas aussi intéressant qu’un autre. Comment vous inciter à faire tel ou tel achat. C’est un système froid, basé seulement sur les statistiques. Il travaille très lentement, comme les intérêts composés. Sur la durée, cela fait beaucoup d’argent. C’est comme cela que Google est devenu si riche : les gens qui paient Google peuvent obtenir un tout petit peu de modification du modèle de comportement. C’est un système géant de modification comportementale.
Il faut comprendre que c’est différent du modèle traditionnel de publicité. La publicité a toujours été une forme de rhétorique, de persuasion, de style. Ici, il n’est pas question de style. C’est placé au bon moment. C’est purement pavlovien. Il n’y a aucune créativité. C’est une forme de manipulation sans esthétique mais c’est très graduel et très fiable, parce que c’est juste des statistiques.
Il s’agit aussi du type d’informations vous recevez. Si vous allez en ligne, vous ne voyez plus les mêmes informations que quelqu’un d’autre. Les informations sont organisées spécifiquement pour vous par ces algorithmes. C’est un monde où tout est ouvert et en même temps la plupart de ce que les gens voient est manipulé. Ce qui n’est possible que parce que les gens qui manipulent ont des ordinateurs plus puissants que les gens ordinaires.
Q: Qui a les plus gros ordinateurs ?
JL: Personne ne le sait. Ils sont conservés dans des cités gigantesques d’ordinateurs. Ils sont généralement placés dans des endroits isolés près de rivières qui permettent de refroidir les systèmes . Peut-être c’est Google, peut-être la NSA. Personne ne sait. En Europe, la plupart sont en Scandinavie.
Le problème n’est pas qui a accès à l’information mais ce qu’ils font de l’information. Si vous avez des ordinateurs beaucoup plus puissants, cela ne peut pas créer une société équitable. Au lieu d’essayer de plaider pour la transparence et le respect de la vie privée, nous devrions nous préoccuper de ce qui est fait avec les données accumulées. Nous vivons à une époque où il y a deux tendances contradictoires. D’un côté, tout le monde dit : n’est-ce pas formidable cette décentralisation du pouvoir, grâce à Twitter etc. De l’autre côté, la richesse est de plus en plus centralisée. Comment est-il possible que le pouvoir soit décentralisé et la richesse de plus en plus centralisée ? En fait le pouvoir qui est décentralisé est un faux. Quand vous tweetez, vous donnez de vraies informations aux gros ordinateurs qui traquent vos mouvements
Q : Comment monnayer nos tweets ?
JL : Je préconise un système universel de micro-paiements. Tout le monde toucherait une rémunération –fût-elle mimine- pour l’information qui n’existerait pas s’ils n’existaient pas.
Cette idée circulait déjà dans les années 1960, avant même que l’internet soit inventé. C’est juste un retour aux origines. Si on arrivait à savoir combien les compagnies sont prêtes à payer pour avoir des informations, cela serait utile.
Les gens pensent que le montant serait infime. Mais si on regarde en détail, c’est faux. Les données concernant l’homme de la rue ont beaucoup de valeur. Le potentiel est là pour soutenir une nouvelle classe moyenne. Chaque donnée individuelle aurait une valeur différente. Certaines seraient plus cotées parce qu’elles sortent de l’ordinaire.
Q : Vous êtes devenu anti-technologies ?
JL: Pas du tout ! J’ai aidé à mettre en place ce truc que je critique maintenant ! Mais il faut regarder les résultats dans le monde réel. J’avais pensé que pendant l’âge de l’Internet on verrait une augmentation fantastique de richesse et d’options. A la place, on voit une concentration intense des richesses. Et c’est un phénomène mondial. Si c’est cela la tendance, si la technologie concentre les richesses, la technologie va devenir l’ennemie de la démocratie, peu importe le nombre de tweets. Je refuse de faire l’autosatisfaction quand je vois tous ces gens ordinaires qui perdent pied alors que leur situation ne devrait faire que s’améliorer grâce aux progrès technologiques.
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